Il a toujours vu la photo de son père sans jamais se poser de question. Et brusquement, l'adolescent de seize ans s'interroge sur ce père mort à sa naissance. C'était un suicide, il le sait, mais sa mère n'aime pas en parler. Sans avertir ses parents, ce garçon sage, qui n'a jamais fugué, décide d'aller à Paris interroger André, le meilleur ami de son père. Et en reconstituant l'histoire de cette vie brisée, il découvre une autre époque. Une époque où être "différente" pouvait conduire à l'internement. Une époque où l'on se mariait pour cacher des désirs coupables. Une époque où l'on pouvait vous faire chanter, détruire votre vie et vous faire préférer la mort au scandale.
Le souffle de la tragédie traverse ce roman car le destin du père était inéluctable, mais sa mémoire sera sauvée grâce à l'amour de ce fils qu'il n'a jamais connu.
Je suis surprise de constater que ce roman m'a bien plus. Je ne raffole pas précisément des romans introspectifs, où l'on décrit longuement des sentiments ou des impressions, mais ici c'est tellement bien écrit et décrit, avec une telle musicalité des phrases, que j'ai fini par bien aimer.
Bizarrement, j'ai moins accroché au personnage du narrateur adolescent qu'aux personnages adultes du roman ou au narrateur une fois adulte lui-même. Je l'ai trouvé un peu passif, donnant l'impression d'agir sans grande passion finalement, malgré sa décision de partir à Paris, partie de l'histoire d'ailleurs que j'ai moyennement accrochée, car tout bêtement je ne vois pas un garçon de cet âge partir si loin et se débrouiller si bien, dans un autre pays que le sien et ce sans que sa famille s'inquiète outre mesure. Mais vu son âge et le fait que son entourage évite depuis toujours consciencieusement d'évoquer les circonstances du décès de son père, cela s'explique parfaitement.
Il y a dans ce roman, deux niveaux de narration, qui se complètent bien : la description de la quête du narrateur, à la première personne, et la narration de l'histoire de son père, à la troisième personne, à partir de ce qu'il en imagine, comprend, recoupe, entend, comme si son père lui-même lui avait soufflé les mots.
Toujours est-il que la quête de vérité du narrateur, seul personnage du roman dont on ne connaisse pas le prénom, se déroule au tout début des années 70, à peine plus clémente que celle où a vécu son père, les années 40-50, mais déjà assez différente.
Une autre époque que ces années 50 en effet, et bien triste puisque chacun s'efforçait de correspondre à ce que les autres attendaient d'eux, imposé par le poids des convenances, par la société. Le manque de courage ?
Vous savez quoi ? Je crois que la seule chose "contre-nature" comme disent les biens(mal)-pensants, c'est justement d'aller contre sa nature. Pour qui que ce soit.
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