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vendredi 4 avril 2025

Deux ou trois choses dont je suis sûre

4 de couv' :
Autrice de Peau, recueil d'essai devenu culte, Dorothy Allison a grandi dans le sud des États-Unis, dans un contexte de misère sociale et de violences familiales et sexuelles. Dans Deux ou trois choses dont je suis sûre, elle raconte les femmes de sa famille - mères, soeurs, cousines, filles et tantes -, rendant hommage à leur force, leur humour, leur beauté et surtout leur détermination obstinée face au quotidien qui les accable. Illustré de photographies de sa collection personnelle, ce livre montre à quel point les petites histoires d'une génération peuvent acquérir le statut de légende pour les générations suivantes.
Un ouvrage om la vision singulière de Dorothy Allison s'exprime avec beaucoup d'humour et d'émotion.


C'est un peu par hasard que je suis tombée sur ce livre de Dorothy Allison, dont j'avais déjà lu, il y a plusieurs années (bien avant ce blog) "L'histoire de Bone", "Retour à Cayro" et "Peau". Ce fut donc une bonne surprise, et surtout un extrême plaisir de retrouver l'excellentissime écriture de cette autrice.

Je saurai gré à la traductrice d'avoir expliqué ses choix de traduction : un parti pris féministe un peu en décalage avec les règles habituellement établies. Je dois avouer avoir un peu fait la grimace en lisant la note de traduction, mais au final, la lecture en est restée d'autant plus fluide. Et finalement logique, vu l'autrice, et vu le contexte. J'ai eu un petit peu de mal seulement avec "quelque chose" accordé (pardon, accordée) au féminin et non au masculin mais uniquement par manque d'habitude ou pour mieux dire, par habitude tenace du masculin. C'est pourtant tellement plus logique ainsi, "chose" étant un mot féminin...

Apparté : notez que j'avais du mal avec le mot "autrice" au départ, qui n'est pourtant pas pire que "actrice". Maintenant que je sais que ce mot existait avant (qu'on ne laisse plus les femmes écrire...), je trouve logique de l'employer à nouveau. Du coup, "auteure", que j'ai longtemps utilisé faute de mieux, me paraît un non-sens... Fin d'apparté.

Ce n'est qu'en fin de livre, mais cela ne m'a pas surprise, que l'on apprend que le texte original avait été écrit à l'origine pour une représentation théâtrale. Il a ensuite été remanié, mais au cours de la lecture j'avais l'impression qu'il avait été écrit pour être dit, pas seulement lu. J'imagine très bien un monologue sur scène, ponctué ou pour mieux dire illustré avec la projection des photos intégrées dans le livre.

Car l'autrice ne se contente pas de parler de sa vie, de sa famille. Dans ce court ouvrage (114 pages), beaucoup de thèmes sont abordés : la condition sociale des plus pauvres des États-Unis, la condition féminine, ces schémas perpétuellement reproduit par certaines familles, l'homosexualité, le viol, la violence intra-familiale, la pauvreté... Et le courage de fuir sa condition (quel que soit le moyen employé) ou de rester pour l'affronter.
Mais, toujours, la tête haute. Car c'est en effet un bel hommage rendu aux femmes de sa famille.

Très beau texte, et tellement fort, écrit avec intelligence.
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dimanche 5 janvier 2025

Miss Eliza

4 de couv' :
Londres, 1835. Derrière le long bureau, le verdict tombe : "Une dame n'a pas à se mêler de poésie." Qu'à cela ne tienne ! Acculée par la ruine familiale, l'élégante Miss Eliza Acton troquera les sonnets pour les fourneaux... et à sa grande surprise, se découvrira un talent - et une passion - pour les arts culinaires.
De son côté, la jeune Ann Kirby peine à sortir de la misère : sa rencontre avec la poétesse, leur complicité insolite, l'en sortira par miracle. Bientôt, un livre de recettes conçu à quatre mains prend forme,, qui révolutionnera à jamais la gastronomie britannique..


J'ai clairement craqué pour la couverture de ce livre. Avant de l'acheter, j'ai évidemment lu la quatrième de couverture, et même si l'histoire me paraissait intéressante mais sans plus, c'est la couverture qui l'a emporté !

Et je ne regrette pas.

L'écriture est on ne peut plus agréable ; l'histoire, d'un point de vue historique et sociologique, parfaitement bien décrite ; la psychologie des personnages et ce que cela induit de la société anglaise de l'époque, impeccablement rendue.
Même s'il s'agit de la vie romancée d'une personne ayant réellement existé (les biographes ne sont apparemment pas tous d'accord entre eux sur certains aspects de la vie d'Eliza Acton), et que celle d'Ann Kirby est en grande partie inventée, il est parfaitement intéressant de voir le travail à l'origine du premier livre de cuisine anglais qui reste la référence culinaire en la matière. Le premier à avoir une liste d'ingrédient et leur quantité pour chaque recette.
Si vous voulez en savoir plus sur ce personnage allez donc par ici.

Et la description des parfums et des saveurs de la cuisine incite à cuisiner non stop (si j'avais été chez moi au moment de cette lecture et que je n'avais pas déjà mon congélateur plein...).

Ce fut donc pour moi avec cette première lecture une belle façon de commencer l'année !
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dimanche 18 août 2024

Un jardin au désert

4 de couv' :
Dans les environs de Ryad, en Arabie Saoudite, Talal Bahahmar est le patriarche excentrique d'une grande famille. Dans son immense palais, se croisent Mama Aïcha, l'épouse qu'il n'a jamais pu se résoudre à répudier, ses fils, sa vieille mère malade, sa nouvelle femme et surtout Dahlia, sa petite-fille adorée. Entre eux, l'entente est loin d'être au beau fixe.
Lorsque Talal rencontre Rezak, son jardinier, se noue entre les deux hommes une relation presque filiale qui ba bousculer les certitudes du vieil homme. Serait-il temps d'expliquer à Dahlia les zones d'ombre qui planent sur son enfance ? Que répondre à son désir criant de liberté ?
Enter palmeraie et gratte-ciels, Carine Fernandez dessine une fresque sur quatre générations, celle des membres de la famille Bahahmar, liés par le sang, l'argent et le secret. Elle nous conte aussi une Arabie Saoudite en ébullition constante où les femmes frappent obstinément à la porte de l'indépendance.


Après avoir découvert Carine Fernandez un peu par hasard et surtout pour mon plus grand bonheur, avec "La servante abyssine", j'ai eu envie de me replonger dans un de ses romans, que je m'étais empressée d'acheter par la suite.

Nous voici donc à nouveau en Arabie Saoudite, où nous apprenons plus sur le mode de vie des ultra riches de ce pays, et à travers eux et la famille décrite dans ce roman, la vie dans ce pays. Pour les femmes, ainsi que pour ceux qui viennent travailler dans ce pays (et la façon dont ils sont considérés...).

Non sans humour, l'autrice nous fait entrer dans l'intimité de cette famille, qui sous les apparats du luxe, de la bienséance et de la respectabilité connaît ses déboires et (incroyablement nombreux) petits travers. De là à extrapoler de cette famille à une société toute entière, il suffit d'un pas, allègrement franchi par le lecteur, guidé par l'écriture subtile de l'autrice.

Une belle lecture de ce milieu d'été (en pleines grosses chaleurs ; il n'a pas été difficile de m'y projeter).
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dimanche 19 mai 2024

Blonde

4 de couv' :
"Alors, en début de soirée, ce 3 août 1962, vint la Mort, index sur la sonnette du 12305 Fifth Helena Drive. La Mort qui essuyait la sueur de son front avec sa casquette de base-ball. La Mort qui mastiquait vite, impatiente, un chewing-gum. Pas un bruit à l'intérieur. La Mort ne peut pas le laisser sur le pas de porte, ce foutu paquet, il lui faut une signature. Elle n'entend que les vibrations ronronnantes de l'air conditionné. Ou bien... Est-ce qu'elle entend une radio, là ? La Maison est de type espagnol, c'est une "hacienda" de plein-pied : murs en fausses briques, toiture en tuiles orange luisantes, fenêtres aux stores tirés. On la croirait presque recouverte d'une poussière grise. Compacte et miniature comme une maison de poupée, rien de grandiose pour Brentwood. La Mort sonna à deux reprises, appuya fort la seconde. Cette fois, on ouvrit la porte.
De la main de la Mort, j'acceptai ce cadeau. Je savais ce que c'était, je crois. Et de la part de qui c'était. En voyant la nom et l'adresse, j'ai ri et j'ai signé sans hésiter."



Cela faisait longtemps que je voulais acquérir ce livre. Pas le réserver à la bibliothèque parce qu'en plus d'avoir été écrit par Joyce Carol Oates, écrivaine que j'ai parfois beaucoup de mal à lire (mais vers laquelle je retourne obstinément comme un papillon vers la flamme), il fait quand même 1110 pages (non, il n'y a pas de "1" en trop). Je craignais donc que même avec 3 semaines de prolongation de l'emprunt, cette contrainte temporelle nuise à mon avancée dans la lecture ("je dois le rendre, je dois le rendre, je dois le rendre"). C'est idiot (et oui, franchement psychologique, oui, je sais).
J'ai donc fini par l'acheter en février en bouquinerie, un bon compromis "financier" entre l'emprunter et l'acheter. Il est resté quelques semaines dans ma BAL* avant que j'ose enfin m'y attaquer (en même temps, quand tu es immobilisée par une entorse pendant tes vacances, tu as tout le temps qu'il te faut pour le lire sans être trop interrompue...).

A ma grande et bonne, excellente surprise, j'ai adoré ce roman. Car oui, comme cela est indiqué en tout début de livre, par une note de l'éditeur puis une note de l'autrice, il faut le lire comme un roman, pas comme une biographie.
Cela posé, la suite est moins dérangeante. J'ai beaucoup recherché sur Internet, pendant ma lecture, certains des personnages et effectivement l'autrice a pris quelques libertés avec la réalité, tout en restant cohérente avec l'histoire. Ou l'Histoire.

L'écriture est tellement belle, tellement fluide, tellement brillante et flamboyante qu'une fois le roman entamé on ne peut plus le lâcher rien que pour la beauté de la langue. Rien que pour cela, ce roman est un hommage à Marilyn. L'écriture est en totale concordance avec la fascination que Marilyn exerce encore. Quoi qu'il se passe dans l'histoire, on ne peut qu'y revenir sans cesse.
Aussi dérangeants que soient certains aspects de sa vie, tels que décrits dans ce livre, on ne peut qu'y revenir, avoir envie de poursuivre.
Mention spéciale à la traductrice de ce livre, Claude Seban, qui a fait un travail remarquable. Chapeau bas, Madame.

Comme souvent avec Oates, l'histoire et le personnage principal sont dérangeants. Dérangeants car elle dit les choses telles qu'elles sont, et peut utiliser le langage le plus ordurier pour décrire les pires scènes mais sans que ce soit vulgaire tellement c'est bien écrit.

On retrouve aussi une certaine part de féminisme : la tragédie de Marilyn est mise en relations directe avec une société, une époque et un milieu profondément machistes. Aucune chance d'y échapper. Ce qui la sauve continuellement vis-à-vis de ses employeurs est que son talent (sous-employé, mais elle lutte intensément contre cela), sa beauté (forcément éphémère) et son image leur rapportent beaucoup.
Elle n'est clairement pour eux qu'un objet, un investissement dont ils savent user par tous les moyens possibles (y compris personnellement, à ses débuts...).

Le personnage de Marilyn est une contradiction permanente, avec forces et ses faiblesses, son besoin d'être aimée et se laissant avilir ou ne voyant pas ou ne conservant pas le véritable amour quand elle le rencontre enfin, son intelligence jamais reconnue, Norma Jeane et Marilyn, son manque d'assurance constant sauf une fois entrée dans la peau de ses personnages (qu'elle améliore, encore et encore, à chaque nouvelle prise), son image qu'elle entretient (c'est son travail) et qui la dépasse.

J'ai particulièrement apprécié dans ce livre que l'autrice passe parfois d'un narrateur à l'autre sans que ce soit dérangeant : on passe de la narration de l'autrice à celle de personnes ayant côtoyé Marilyn. La narration de Norma Jeane/Marilyn est mise en italique donc immédiatement identifiable.
Cela n'est pas déroutant car parfaitement amené, la langue n'étant pas la même.

Le passage sur Kennedy n'est pas la partie la plus longue et ne le met vraiment pas en valeur.
Je dois donc ici revoir mon jugement sur le personnage de Kennedy dans "Le jour où Kennedy n'est pas mort" de R.J. Ellory, car les portraits faits de lui dans ces deux romans sont vraiment similaires... Jusqu'à l'écoeurement. Il faudra que je fouille par là un de ces jours.

Je n'ai pas pu m'empêcher de comparer ce roman à "Mudwoman", de la même autrice, que je n'ai pas réussi à terminer. De mémoire, je n'ai pas dépassé la centième page, sur 500, bien que l'écriture soit bien la même. La différence notable entre les deux livres, est que l'on connaît tous l'histoire de Marilyn alors que le personnage de Mudwoman est totalement inconnu. Je dois avouer que l'envie de reprendre ce roman me titille depuis que j'ai terminé"Blonde", mais je verrai cela plus tard.

Je suis donc ravie d'avoir osé entamer ce livre qui m'impressionnait par sa taille, et m'impressionne maintenant par sa magnificence, sa flamboyance. Pour le moment, ma meilleure surprise littéraire de l'année !

Et de toutes les photos de Marilyn, c'est celle-là que je préfère :





* Bibliothèque À Lire

samedi 25 novembre 2023

Quelle aille au diable, Meryl Streep !

4 de couv' :
Zappant devant le superbe téléviseur qu'il  vient de s'offrir - ou plutôt d'offrir à sa femme-, un Libanais tombe sur le film Kramer contre Kramer et comprend, malgré son anglais approximatif, que le personnage joué par Meryl Streep est en train de quitter son mari. Cette scène le renvoie soudain à la réalité de son propre couple, dont le mariage avait été arrangé par une tante, et il s'interroge. Pourquoi son épouse va-t-elle si régulièrement dormir chez ses parents ?Censément vierge au moment de leur union, comment en sait-elle autant sur la sexualité masculine ? Quelle a été, avant, leur rencontre, la vie de cette femme dont il ne sait finalement pas grand-chose et qui lui échappe chaque jour un peu plus ?
Jamais sans doute un romancier arabe n'avait traité les question du couple et de la sexualité d'une façon aussi directe et décomplexée, pleine d'humour. Le mariage apparaît comme une institution mise à rude épreuve par la modernité, qui creuse le gouffre entre les images occidentales véhiculées par les média et la tradition. En assumant ou un feignant d'assumer cette modernité, la femme démontre à l'homme à quel point il est incapable d'en faire autant.


Déroutant est le premier mot qui me vient à l'esprit. Brillant, aussi, une fois qu'on a compris qu'il ne faut rien prendre au premier degré, comme je l'ai fait au début, ayant ainsi failli laisser tomber ce livre en cours de route. Tant le narrateur paraît malsain.
J'ai donc fait une recherche sur l'auteur, j'ai trouvé peu de choses en fait, car il est peu connu par ici me semble-t-il. Ce livre par contre a été transposé en pièce de théâtre, je serais curieuse de voir ce que ça donne...

Ce roman est une satire d'un pan machiste de la société libanaise, où les femmes n'ont que peu de droits, sinon d'être soumise à l'homme. Quels que soient leur attitude, leurs vêtements, leurs paroles, elle sont systématiquement rabaissées, surveillées, dénigrées ou soupçonnées du pire. Leur corps leur appartient tellement peu que leur virginité (un droit pour le mari selon le narrateur) doit être refaite chirurgicalement si elles l'ont perdue avant le mariage (et d'autant plus que si c'est avec un autre homme que leur mari. On voit une scène de ce genre dans le film "Caramel". Une scène humoristique, teintée d'acidité envers une société qui impose -et propose- une telle aberration).

Par cette longue narration, car il n'y a pas de chapitres dans ce livre, on suit le raisonnement du pire machiste qu'il m'ait été donnée à voir. Enfin, à  lire.

On finit par comprendre que ce machisme systémique ne convient à personne : ni aux femmes, ni aux hommes, et est la source d'une incompréhension totale entre eux, rendant tout accord entre les deux sexes absolument impossible. Il pose des questions, mais n'écoute pas les réponses, n'étant pas celles qu'il veut entendre, et surtout, n'envisageant même pas que sa conception des choses puisse ne pas être la seule.

Je pense que l'auteur connaît des hommes comme cela, et qu'il a rendu ce personnage suffisamment abject pour que son lectorat masculin se dise "on non, je ne suis pas comme ça quand même ?"
Il n'est guère loin de la folie dans sa façon psychorigide de considérer les femmes, refusant toute liberté à la sienne, et se mentant à lui-même.

Tous les aspects de la lutte féministe est indirectement abordée : le patriarcat, le viol, le poids de la religion, la liberté des femmes à disposer de leur corps et de décider par et pour elles-mêmes ce qu'elles veulent faire de leur vie.

Dérangeant, troublant, secouant, percutant.
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vendredi 28 avril 2023

L'île du docteur Faust


4 de couv' :
Tandis que la nuit tombe, neuf femmes attendent l'arrivée d'un passeur qui doit les mener sur une île au large de la Bretagne. Toutes ont payé le prix pour suivre un programme leur promettant de retrouver leurs vingt ans. Seule l'une d'entre elles, invitée, s'est jurée de résister à la tentation. Mais le séjour et le mystère grandissant qui l'entoure, tout autant que le trouble suscité par le docteur Faust, vont lui révéler la difficulté de refuser ce pacte diabolique.
Comment maîtriser le temps ? Accomplir nos rêves les plus sacrés, l'amour, la création ?Comme elle s'est plu à se jouer des mythes et des légendes dans ses précédents livres, Stéphanie Janicot interroge dans ce roman envoûtant le fantasme de la jeunesse éternelle et de la toute-puissance, l'illusion, la féminité et la force du désir.


Bien que totalement fan de Stéphanie Janicot, je dois avouer qu'en découvrant le thème de ce livre, je ne me suis pas précipitée dessus. Mon impression du moment étant qu'une histoire basée sur des quinquagénaires (et plus) qui suivent une cure de jouvence n'avait rien d'excitant ni de glamour, et pour tout dire, le sujet me paraissant mortellement ennuyeux.
En matière de lecture, je n'ai jamais eu aussi tort de ma vie.

La quinqua que je suis maintenant vous conseille absolument ce livre, quel que soit votre âge, surtout si vous avez des interrogations sur votre propre vie (ce que vous en avez fait, ce que vous allez en faire). Car ce roman est moins sur le fait de redonner à sa peau une seconde jeunesse que sur l'acceptation de sa vie, de ses choix, de ce qu'on en a fait et, surtout, sur ce qui est à venir.

Les interrogations de la narratrice - qui sont visiblement celles de l'autrice - ont fait écho aux miennes, et feront écho à toute lectrice (et finalement, des lecteurs aussi je pense).
L'autrice brouille d'ailleurs les frontières du réel et de l'imaginaire, ne serait-ce qu'en attribuant à la narratrice l'écriture de "Le privilège des rêveurs" (roman par lequel j'ai découvert Stéphanie Janicot) et je pense que cette référence dans ce roman-ci n'est pas un hasard.

Comme toujours avec Stéphanie Janicot, ce livre est profondément humain et nous parle à toutes et à tous d'autant que le vrai sujet (qu'avons-nous fait de nos vies, que pouvons-nous encore en faire, qu'en attendons-nous, la pression familiale, la pression sociale, le temps qui passe et qui donne de plus en plus l'impression de passer en accéléré) nous touche toutes et tous.

Plus on avance dans le roman, plus on va vers un genre fantastique. Ce qui n'est guère surprenant car il est déjà évoqué, par petites touches, dès le début. Et la fin aussi logique que surprenante et finalement apaisante, est juste parfaite.

Décidément, je ne me lasserai jamais de cette autrice, qui arrive toujours à me surprendre.
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vendredi 7 octobre 2022

Une odeur de henné

4 de couv':
Kenza est médecin dans un hôpital de campagne. Son père lui a transmis sa passion des livres. Depuis son enfance, Kenza se sent différente, en rien semblable à sa mère ou à ses camarades de classe. Habitée par un vif désir de connaissance, elle fait tout pour échapper aux conventions de son milieu. Aussi, quand ses parents lui annoncent qu'un jeune homme a demandé sa main, Kenza, se révolte.Elle part  pour Paris, loin de l'emprise de la tradition. Sans se douter que sa soif de liberté y sera aussi mise à l'épreuve...
Grâce à son écriture sensible, Cécile Oumhani donne vie à un personnage attachant qui se débat dans ses contradictions, vit intensément ses émotions, s'émancipe, mais à quel prix, et découvre dans la souffrance une forme de libération.
Un roman élégant qui se fait l'écho intime de questions brûlantes dans la société tunisienne d'aujourd'hui.


Acheté l'année dernière lors de la foire aux livres des médiathèques de Brest, donc autant dire, trouvé un peu par hasard, ce livre a été pour moi une bonne surprise.
Je ne connaissais pas l'autrice, et le thème me plaisant assez, c'est donc aussi un peu par curiosité que je l'avais rajouté à ma pile (soit-dit en passant, vivement la prochaine foire aux livres des médiathèques de Brest, j'ai l'impression de n'avoir trouvé que des petits bijoux là-bas).

Je dois reconnaître que j'ai eu un peu de mal au début du livre  avec la narration. Je ne sais pas à quoi c'était dû. Peut-être le fait de passer d'un livre à l'autre, d'un univers à l'autre, la fatigue de la journée, un mélange de tout ça sans doute.
Puis je me suis accrochée et au final, le problème venait bien de moi car je me suis finalement laissée happée par l'histoire, au point de le dévorer dans la même soirée. Impossible de décrocher de l'histoire, de l'écriture, de l'envie de connaître la suite puis le dénouement.

Bref, je l'ai lu entièrement le soir-même. Heureusement que je ne travaillais pas le lendemain...

Je ne dirais rien de l'histoire, car je risquerais de trop en dévoiler, mais j'ai aimé la manière dont l'autrice présente les personnage, les contextes sociaux dans lesquels ils évoluent, le poids des traditions (et comment les contourner), et surtout le fait qu'elle sème par endroits le point de vue de certains personnages, offrant ainsi aux lecteurs une autre vision de l'histoire ou du personnage central. Courts chapitres bien venus, bien amenés, et incroyablement éclairant sur l'histoire.

Une belle réussite que ce livre.
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vendredi 30 septembre 2022

Devenir


4 de couv' :
Il y a encore tant de choses que j'ignore au sujet de l'Amérique, de la vie, et de ce que l'avenir nous réserve. Mais je sais qui je suis. Mon père, Fraser, m'a appris à travailler dur, à rire souvent et à tenir parole. Ma mère, Marian, à penser par moi-même et à faire entendre ma voix. Tous les deux ensemble, dans notre petit appartement du quartier du South Side de Chicago, ils m'ont aidé à saisir ce qui faisait la valeur de notre histoire, de mon histoire, et plus largement de l'histoire de notre pays. Même quand elle est loin d'être belle et parfaite. Même quand la réalité se rappelle à vous plus que vous ne l'auriez souhaité. Votre histoire vous appartient, et elle vous appartiendra toujours. A vous de vous en emparer.


Cette lecture m'a enthousiasmée, et enthousiasme, énergie, travail et optimisme inébranlable sont exactement ce qu'il faut retenir de ce livre et de la vie de l'ex-première dame des États-Unis. Et beaucoup d'amour aussi : pour sa famille, son mari, ses enfants et ses amis. Et une bonne pointe d'humour.

Il ne faut pas croire qu'elle est née dans une famille d'élites, ce qu'elle a obtenu, c'est par son travail, son abnégation (et un peu de chance aussi, le reconnaît-elle). Malgré ses doutes, car oui, cette femme qui donne une image de femme forte, est comme nous tous, perclue de doutes à certains moments de sa vis.

Elle réussit le tour de force de se livrer, de nous faire partager un quotidien des différentes étapes de sa vie sans cependant aller trop loin dans l'intimité. Elle aime maîtriser les choses, et ça se ressent sans être pesant.

Comme je le disais précédemment concernant une autre autobiographie, on n'est jamais le bon juge de soi-même, et si on se doute qu'elle maîtrise parfaitement les codes de la communication, je la crois sincère dans sa façon de retracer sa vie.

Et ceci dans une écriture parfaitement agréable à lire et abordable par tous.

Rien que pour la leçon d'optimisme, à mettre entre toutes les mains.
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samedi 5 février 2022

Les fabuleuses aventures de Nellie Bly


4 de couv' :
Les aventures de la pionnière du journalisme infiltré réunies pour la
première fois avec un texte inédit.
Un voyage de six mois avec sa mère au Mexique en 1886 ; un internement volontaire dans un asile d'aliénés de New York un an plus tard ; en 1889, une traversée du monde en 72 jours, pour défier Jules Verne ; et en septembre 1914, sur le front de la Première Guerre mondiale qui commence...
Il n'en fallait pas plus pour que Nellie Bly devienne l'une des figures les plus étonnantes, audacieuses, pétillantes, féministes et libres d'un journalisme et d'une condition féminine en devenir.

J'ai trouvé ce livre par hasard (je vais dans un magasin pour acheter un jeu de plateau, je tombe sur ce livre), je l'achète par curiosité, et l'ai lu avec intérêt.

Je me méfie toujours des écrits d'occidentaux de cette époque sur les civilisations non occidentales : souvent beaucoup de mépris, d'ironie, de condescendance.

Ce n'est absolument le cas ici, et ce fut une bonne surprise. Quelque soit le texte de Nellie Bly, elle fait systématiquement preuve d'une grande empathie envers les peuples ou les personnes qu'elle rencontre, souvent ironique voire mordante avec les idiots (les gens un peu trop imbus d'eux-mêmes, injustes...), sa curiosité la fait s'émerveiller de ses découvertes (peuples, traditions, coutumes...).
Cela est vrai pour son tour du monde et son voyage au Mexique, bien qu'elle n'ait guère apprécié son passage en Chine et tout en s'émerveillant des coutumes et moeurs du Mexique, elle en dénonce vertement la dictature en place et corridas.
Car elle est toujours du coté des plus faibles et des persécutés, elle arrivera toujours à voir et nous faire ressentir de la beauté et de la dignité là où d'autres n'auront que de l'indifférence et du mépris.

Sur son immersion dans un asile, je trouve assez inquiétante la facilité et la rapidité avec laquelle elle y a été admise, ce qui m'a rappelé l'héroïne de "La salle de bal" d'Anna Hope.
Je trouve tout le monde un peu optimiste sur les effets positifs de son article à ce sujet : il y en a eu certes, mais peut-être pas au point de chambouler les pratiques de toute une institution. 

Pendant la lecture de ce livre, j'ai regretté que les différents écrits ne soient pas par ordre chronologiques, mais finalement, il n'est pas plus mal que le livre commence par les écrits les plus courts, exception faite des écrits pendant la première guerre mondiale.

Sur le voyage autour du monde, puisque c'est son journal qui l'envoie, elle ne part pas totalement dans l'inconnu ni au hasard. Tout est organisé pour que cela se passe au mieux et elle a généralement quelqu'un pour l'accompagner, la guider et la seconder à chaque étape. A titre de comparaison, je suis très curieuse de lire un jour les récits d'Alexandra David-Neel...

Autre gros regret : pas une photo de Nellie Bly, surtout concernant sa tenue pour son tour du monde, oubli que je corrige ici.

Ce fut en tout cas d'intéressants voyages et expériences, par une belle plume, et en très agréable compagnie.
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dimanche 10 novembre 2019

Une vie

4 de couv' :
Simone Veil accepte de se raconter à la première personne.
Personnage au destin exceptionnel, elle la femme politique dont la légitimité est la moins contestée, en France et à l'étranger ; son autobiographie est attendue depuis longtemps.
Elle s'y montre telle qu'elle est : libre, véhémente, sereine.


Je ne vais évidemment pas vous présenter Simone Veil, que tout le monde connait, et encore moins rappeler la grande dame qu'elle fut (je déteste enfoncer des portes ouvertes).

En dehors de son histoire personnelle et professionnelle, c'est surtout l'histoire politique de la France et de l'Europe qui est en partie retracée ici.
Il est toujours intéressant, je trouve, de connaître après coup les dessous de certains évènements historiques tout autant que de découvrir le fonctionnement des instances françaises et européennes.

Avec ce plus que l'écriture de Simone Veil est fluide et précise sans être rebutante. J'ai aussi apprécié les annexes, qui sont certains des discours qu'elle a prononcés. Un plus certain en soutien et sûrement pas en trop dans ce livre.

Je me retrouve beaucoup dans la plupart de ses opinions et prises de position, pas toutes cependant, mais elle les livre avec simplicité, comme dans une conversation.

Un livre à lire ou relire, pour son intérêt historique, politique et surtout humain.
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vendredi 18 octobre 2019

L'adjointe infernale

4 de couv' :
Constance Kopp, première femme adjointe au shérif du New Jersey, a capturé nombre de criminels, obtenu justice pour des victimes de préjudices et gagné une notoriété nationale. Par une nuit d'orage, cependant, tout risque de basculer.
Chargée de conduire une certaine Anna Kayser à l'hôpital psychiatrique, Constance remarque plusieurs faits troublants dans son dossier, et commence à douter du bien-fondé de l'internement de cette mère de famille trop tranquille.
Comme toujours, Constance ne compte suivre que son instinct de justicière. Mais 1916 est une année charnière d'élections et le moindre de ses faits et gestes peut compromettre sa position,déjà très controversée...
Avec autant d'humour que de talent, Amy Stewart continue de dérouler la passionnante histoire, basée sur des faits réels, de l'adjointe au shérif Constance Kopp.


De nouveau, ni réelle enquête policière ni western dans ce volume. Tout au plus une enquête concernant Anna Kayser, avec un dénouement assez prévisible.

L'autrice s'est définitivement tournée vers la biographie (très) romancée de Constance Kopp, ce qui me convient tout à fait car j'adore les reconstitutions historiques et ce tome poursuit le thème de la condition féminine aux Etats-Unis au début du XXe siècle, tout en évoquant le système des élections à l'époque, sujet sur lequel j'aurais cependant aimé avoir un petit peu plus de précisions pour mieux le comprendre.

Donc un excellent quatrième tome, le cinquième vient de paraître aux Etats-Unis, vivement sa traduction !
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jeudi 17 octobre 2019

Le justicière et les filles perdues

4 de couv' :
New Jersey, 1916. Des jeunes femmes sont incarcérées à la prison de Hackensack sous les chefs d'inculpation les plus discutables : "insoumission", "sédition", ou encore "dépravation morale". La place d'Edna Heustis, une patriote partie de chez elle pour travailler dans une usine de munitions, est-elle vraiment derrière les barreaux ? Et Minnie Davis mérite-t-elle d'être expédiée dans un camp de redressement fédéral parce qu'elle a fugué ? Oui, selon les lois - et la morale - de l'époque. Pour défendre ces femmes, Constance Kopp, adjointe au shérif, use de son autorité, et parfois même l'outrepasse. Mais c'est sa propre  soeur Fleurette, par qui le scandale va arriver, qui testera la force de ses convictions quant à la manière dont une femme doit, ou ne doit pas, se comporter...


Cette fois-ci, ni intrigue policière, ni western.

Juste un roman (toujours aussi drôle, agréable à lire et instructif) sur la condition féminine aux Etats-Unis du début du XXe siècle.

Dit ainsi, cela pourrait paraître rébarbatif, non pas pour le sujet mais plutôt par rapport aux autres livres de la série, et ce qu'on aurait pu en attendre de celui-ci, mais nullement. L'auteure s'est visiblement plongée avec bonheur dans la reconstitution historique de la condition des femmes à cette époque au point d'en faire le point central de ce roman.

Certains penseront que les prétextes légaux retenus pour arrêter une jeune femme peuvent prêter à sourire, que nenni : si on se met à la place des femmes de l'époque, c'est franchement effrayant et on ne peut qu'admirer et respecter le chemin parcouru par les militantes féministes. Et ne doutez pas que la France n'était guère en reste. Si les lois d'un pays à l'autre étaient différentes, l'esprit était le même.

Nous revenons de loin, mesdames !

vendredi 18 janvier 2019

La femme à l'insigne

4 de couv' :
Eté 1915, New Jersey. Constance Kopp est devenue l'une des premières femmes shérifs adjoints du pays. La terreur des voyous et des scélérats, avec armes et menottes... mais toujours sans insigne. L'époque, la loi et l'opinion publique résistent encore à sa nomination. Au point que le shérif se voit contraint de la déchoir provisoirement de ses fonctions. La voilà reléguée gardienne de prison, trépignant dans l'ennui routinier de la cage à poules en attendant que les critiques se tassent. Jusqu'à ce qu'un étrange allemand, confié à sa garde, ne prenne la poudre d'escampette. Et que Constance ne se lance dans une chasse à l'homme, bien décidée à retrouver son prisonnier enfui et son honneur perdu.


Suite de "La fille au revolver", inutile de dire que je n'ai pas hésité à l'acheter quand je l'ai vu en librairie !

Pas de déception sur ce deuxième tome, au point que j'ai mis le troisième dans ma liste de cadeaux de Noël : l'écriture, sur laquelle je n'avais déjà rien à redire pour le premier tome s'est améliorée, l'humour plus subtil, les personnages affinés, le rendu sur l'époque toujours aussi bien transposé.

Une enquête minutieuse (et du point de vue de ces messieurs, chaotique tant la narratrice n'en fait qu'à sa tête et elle a bien raison, n'est-ce pas mesdames, puisqu'elle est finalement plus efficace qu'eux !).

En résumé, une série qui tient ses promesses et qui donne envie de continuer à la suivre.
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lundi 20 mars 2017

La fille au revolver

4 de couv' :
Constance Kopp n'entre dans aucun moule. Elle surpasse en taille la plupart des hommes, ne trouve aucun intérêt dans le mariage ou les affaires domestiques, et a été isolée du monde depuis qu'un secret de famille l'a reléguée, elle et ses deux soeurs, dans le fin fond du New Jersey. Un jour, le propriétaire d'une fabrique de soie renverse leur carriole au volant de son automobile... Et ce qui n'aurait dû être qu'un banal litige se transforme en une bataille rangée avec une bande de voyous habitués au chantage et à l'intimidation. Mais elle pourra compter sur l'aide d'un shérif progressiste qui, dans l'Amérique puritaine de ce début de siècle, n'hésitera pas à lui confier un revolver et une étoile.

Inspiré de faits et de personnages réels, il s'agit bien ici d'un roman, et si l'écriture n'est pas exceptionnelle, c'est un bon moment de lecture avec une bonne dose d'humour. Ne vous attendez pas cependant à éclater de rire à chaque page, mais plutôt à sourire.

La vie quotidienne des trois soeurs et la pression mise sur elles par la société pour les faire "rentrer dans le rang" est bien reconstruite, me faisant parfois penser à la petite maison dans la prairie (les livres, pas le feuilleton, très différents), vu que cela se passe quasiment à la même époque et en partie à la campagne.

Le quatrième de couverture donne l'impression que les scènes d'action se succèdent les unes aux autres, mais si il y a en effet des rebondissements et des moments  de tension, l'auteur suit plutôt le rythme de vie de l'époque, avec des retours en arrière sur la vie de Constance Kopp. Les amateurs d'action, de course-poursuite, de bagarres ou de tirs à vue à chaque page en seront pour leurs frais. Il y a bien tout cela, mais distillé à bonne dose et bien réparti dans l'ensemble du roman.

Bref, un bon moment de lecture, et je serais assez intéressée de voir la suite, s'il y en a une.
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