mercredi 20 juin 2012

Une autre époque

4 de couv' :
Il a toujours vu la photo de son père sans jamais se poser de question. Et brusquement, l'adolescent de seize ans s'interroge sur ce père mort à sa naissance. C'était un suicide, il le sait, mais sa mère n'aime pas en parler. Sans avertir ses parents, ce garçon sage, qui n'a jamais fugué, décide d'aller à Paris interroger André, le meilleur ami de son père. Et en reconstituant l'histoire de cette vie brisée, il découvre une autre époque. Une époque où être "différente" pouvait conduire à l'internement. Une époque où l'on se mariait pour cacher des désirs coupables. Une époque où l'on pouvait vous faire chanter, détruire votre vie et vous faire préférer la mort au scandale.
Le souffle de la tragédie traverse ce roman car le destin du père était inéluctable, mais sa mémoire sera sauvée grâce à l'amour de ce fils qu'il n'a jamais connu.


Je suis surprise de constater que ce roman m'a bien plus. Je ne raffole pas précisément des romans introspectifs, où l'on décrit longuement des sentiments ou des impressions, mais ici c'est tellement bien écrit et décrit, avec une telle musicalité des phrases, que j'ai fini par bien aimer.

Bizarrement, j'ai moins accroché au personnage du narrateur adolescent qu'aux personnages adultes du roman ou au narrateur une fois adulte lui-même. Je l'ai trouvé un peu passif, donnant l'impression d'agir sans grande passion finalement, malgré sa décision de partir  à Paris, partie de l'histoire d'ailleurs que j'ai moyennement accrochée, car tout bêtement je ne vois pas un garçon de cet âge partir si loin et se débrouiller si bien, dans un autre pays que le sien et ce sans que sa famille s'inquiète outre mesure. Mais vu son âge et le fait que son entourage évite depuis toujours consciencieusement d'évoquer les circonstances du décès de son père, cela s'explique parfaitement.

Il y a dans ce roman, deux niveaux de narration, qui se complètent bien : la description de la quête du narrateur, à la première personne, et la narration de l'histoire de son père, à la troisième personne, à partir de ce qu'il en imagine, comprend, recoupe, entend, comme si son père lui-même lui avait soufflé les mots.

Toujours est-il que la quête de vérité du narrateur, seul personnage du roman dont on ne connaisse pas le prénom, se déroule au tout début des années 70, à peine plus clémente que celle où a vécu son père, les années 40-50, mais déjà assez différente.

Une autre époque que ces années 50 en effet, et bien triste puisque chacun s'efforçait de correspondre à ce que les autres attendaient d'eux, imposé par le poids des convenances, par la société. Le manque de courage ?

Vous savez quoi ? Je crois que la seule chose "contre-nature" comme disent les biens(mal)-pensants, c'est justement d'aller contre sa nature. Pour qui que ce soit.
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samedi 16 juin 2012

Guernica

4 de couv' :
Guernica, avril 1937. Jeune peintre autodidacte, Basilio passe son temps dans les marais à observer des hérons cendrés. Ce n'est pas qu'il se sente extérieur au conflit, il a même cherché à s'enrôler dans l'armée républicaine. Mais tandis que les bombardiers allemands sillonnent déjà le ciel, il s'acharne à rendre par le pinceau le frémissement invisible de la vie, dans les plumes d'un de ces oiseaux hiératiques. Dans quelques heures, Guernica sera une ville en cendres, mais c'est un peintre autrement célèbre qui va en rendre compte, magistralement.
L'un comme l'autre, pourtant, le petit peintre de hérons tout autant que le Picasso mondialement connu nous interrogent sur  les tragédies de la guerre et la nécessité de l'art pour en témoigner.


Ce court roman de 159 pages m'a beaucoup plu. Le prologue et l'épilogue se déroulent après Guernica et plus précisément en grande partie, lors de l'exposition universelle de Paris de la même année. Entre les deux, Guernica la veille et le jour du bombardement.

J'ai tout d'abord été un peu surprise, voire destabilisée par l'écriture de ce roman (note perso : ne plus jamais démarrer la lecture d'un roman à la pause déjeuner et dans le bus. Ce ne sont pas les meilleurs endroits/moments pour m'en imprégner), en particulier dans les premières pages où chaque paragraphe fait le plus souvent une phrase, donnant une impression un peu hachée à la lecture.
Surprise aussi par le fait qu'il n' a aucune indication pour signaler que l'on part du style narratif à un dialogue (ni tiret et guillemets) et inversement. Mais une fois pigé le truc, on s'immerge très vite dans l'histoire.

Cette écriture a donc une simplicité à l'état brut, qui va à l'essentiel. Elle peut donner une impression de destructuré (c'était du moins mon impression au début), comme la peinture de Picasso car l'une comme l'autre traduisent ce chaos qu'a été la destruction de Guernica.
Cette simplicité de l'écriture, cette aussi celle des habitants de Guernica, de leur vie, de leur quotidien et de leur bonheur d'alors, malgré la guerre civile qui se rapproche. Un portrait des habitants, des instantanés de leur vie.
Cette simplicité renforce une impression de témoignage de ces journées vécues par Basilio (ce n'est pourtant pas lui le narrateur), les détails qui restent ancrés dans la mémoire.

L'art aussi est au centre de ce roman, non seulement par la peinture de Picasso et de Basilio, mais sous toutes ses formes : poésie, photographie, et même musique lors de l'évocation d'un autre massacre, celui de Badajoz.
L'art, qui a travers les siècles a toujours été le mode de témoignage privilégié d'une époque. Et qui met en relief la réalité : dans les meilleurs moments en l'embellissant et ici, en en renforçant l'horreur vécue. Et il est question aussi de la difficulté pour l'artiste de mettre en valeur sans s'éloigner du réel.
La peinture de Guernica par Picasso reprend toutes l'horreur vécue par les habitants. On retrouve dans ce roman les éléments de cette peinture. Mais autant le tableau semble destructuré (on en parle souvent comme d'un "puzzle"), autant le roman reprend chaque pièce pour un faire un témoignage cohérent du drame.
L'un comme l'autre parvient, chacun à sa façon, à traduire ce qu'a pu être cette longue journée.

Un roman tout en finesse, un bel hommage aux victimes de cette petite ville sacrifiée aux allemands par les nationalistes.

Et vous vous en doutez, en bonne place pour le moment dans mon classement.
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dimanche 10 juin 2012

L'enquête russe

4 de couv' :
1782. La France et les Insurgents américains sont en passe de l'emporter sur l'Angleterre.Le tsarévitch Paul séjourne incognito à Paris, sous le nom de comte du Nord.Versailles entend se concilier les faveurs de l'héritier de l'empire russe. Nicolas Le Floch reçoit mission de Sartine et Vergennes de monter un subterfuge lui permettant de gagner la confiance du fils de Catherine II. Au même moment, le comte Rovski, ancien favori de la tsarine, exilé à Paris, est assassiné.
Y a-t-il un lien entre ce crime et les meurtres de l'ambassade russe ? Qui massacre les filles galantes des boulevards ? Qui est la mystérieuse princesse de Kesseoren, escroc de haut vol ?
Au cours d'une enquête minutieuse, et tout en participant aux divers évènements de la visite princière, Nicolas Le Floch et l'inspecteur Bourdeau vont aller de surprise en surprise et pénétrer pas à pas les milieux parisiens du jeu, de la galanterie, du négoce et de l'espionnage.
Entouré des siens sous la houlette incertaine d'un Sartine tortueux, le commissaire des Lumières affrontera une nouvelle fois périls et trahisons...


C'est toujours avec un plaisir non dissimulé que je retrouve ce cher commissaire du XVIIIe siècle, plaisir d'autant plus apprécié que depuis quelques jours déjà j'avais terriblement envie de me replonger dans ses aventures. Inutile de dire que j'ai sauté de joie lorsque j'ai reçu jeudi soir un mail de la bibliothèque me signalant qu'il était à disposition.

D'une simple enquête sur un meurtre, sous fond de mission diplomatique quand même, on déambule comme souvent avec Nicolas Le Floch dans les méandres des intrigues de cour (russe, cette fois), des enjeux diplomatiques, stratégiques voire économiques.
Intrigue bien ficelée, quoique d'aucuns diront peut-être un peu alambiquée, j'ai trouvé ce tome-ci mieux écrit que les précédents, malgré la multiplicité des dialogues dont je ne raffole guère cependant habituellement. Sauf qu'ici, chaque réplique ne fait pas systématiquement qu'une ou deux lignes mais bien plus le plus souvent, ce qui donne une densité à ces dialogues. Qui par ailleurs font avancer l'histoire et ne donnent donc pas au lecteur l'impression de tourner en rond comme j'en avais la désagréable impression avec le dernier Kathy Reichs que j'ai eu entre les mains.

Comme toujours avec Nicolas Le Floch on le retrouve lui avec plaisir, évoluant avec l'âge, entouré de ses amis, aussi épicuriens que lui (ah, les joutes verbales à force citations des plus grands auteurs de l'époque, et les fameuses recettes de cuisine que tout bon diététicien ne pourrait que proscrire !), sans compter la scène finale, plutôt plaisante à s'imaginer. Celles qui ont lu le livre savent de quoi je parle, n'est-ce-pas, mesdames ?

Et, bien sûr, le contexte historique qui m'a poussée ce matin à faire des recherches sur Catherine de Russie et son fils. Et son défunt mari, et c'est quoi un oukhase ?, et la généalogie des Romanov, etc.

Mission accomplie, donc, tant pour le personnage que pour l'auteur.
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mercredi 6 juin 2012

Nos classements

Nous étant engagés dans ce prix des lecteurs qu'assez tardivement, nous n'avons pas réussi à lire l'intégralité des BD proposées. On se rattrapera l'année prochaine, mais voici nos classements respectifs pour les 9 BD lues (sur 12, c'est pas si mal finalement).

Je précise que le classement va de 12 à 1, 12 étant la BD préférée !

Le classement de ma pomme :
12 - Frenchman
11 - Atar Gull
10 - Le montreur d'histoires
9 - La faute aux chinois
8 - Les ignorants
7 - Catalyse
6 - Le chanteur sans nom
5 - Dorian Gray
4 - Tu mourras moins bête

J'ai longuement hésité entre les trois premiers, j'ai modifié deux fois mon classement avant de le donner. Après avoir mis premier "Le montreur d'histoires" puis Atar Gull, je me suis finalement décidée pour "Frenchman" car j'avais vraiment aimé les couleurs et les graphismes et le fait que l'histoire se passe dans un lieu dans un contexte historique finalement peu connu (de moi en tout cas).
Atar Gull en deuxième car j'ai vraiment beaucoup aimé, mais je n'ai pas lu le roman et ne sais donc pas si l'adaptation BD est fidèle ou aurait correspondu à mon ressenti. C'est peut-être subjectif comme raison, mais quand on hésite, il faut bien en trouver une.
Et "Le montreur d'histoires" car après une nuit de sommeil, je me suis rendue compte que même si je l'ai beaucoup aimé, je ressentais une pointe de regret pour les deux autres. Conclusion : je l'ai lu en dernier, et étais donc influencée par le fait que cette lecture était toute fraîche.
Pour le reste, c'est assez fidèle à mon ressenti. "Tu mourras moins bête" bon dernier pour deux raisons : après réflexion, deux choses m'ont gênée dans la lecture : le format BD-issue-d'un-blog-que-ça-se-voit-trop-quand-même, et la désagréable impression que c'est fait pour un public en particulier, à un cercle  un peu fermé. Les fans du blog, une tranche d'âge, que sais-je. Ou juste je vire vieille peau, ça n'est pas à exclure non plus.


Le classement de mon homme :
12 - Les ignorants
11 - Frenchman
10 - Le chanteur sans nom
9 - Atar Gull
8 - Catalyse
7 - La faute aux chinois
6 - Le montreur d'histoires
5 - Tu mourras moins bête
4 - Dorian Gray

Vous remarquerez que sur "Frenchman", on se rejoint presque, pareil pour les deux derniers, qu'il a inversé par rapport à moi car ce sont celles sur lesquelles il a le moins accroché et encore moins sur l'ambiance de "Dorian Gray". Ou plutôt n'importe quelle histoire avec ce type d'ambiance.
Pour les premiers :  "Les ignorants" parce qu'il a beaucoup aimé la découverte du monde viticole et toutes les anecdotes qui y sont liées.
Ajoutez à cela que notre destination de vacances depuis 3 ans sont les châteaux de la Loire, ce qui implique dégustations des productions qui peuvent y être liée (à propos, si vous avez l'occasion de passer par le château de Brézé...). Rajoutez qu'une ancienne collègue à lui a "émigré" dans la région bordelaise pour y rejoindre son homme à elle dont la famille exploite un vignoble dont nous raffolons des produits, rouges comme blancs et le rosé est pas mal non plus (avis aux finistériens : ils passent deux fois par an à Milizac pour sa foire aux vins). Mais je digresse.
"Frenchman" "que" en deuxième position car il a vraiment aimé "Les ignorants".
"Le chanteur sans nom" parce qu'il a, je le cite, "bien aimé". Pas plus d'argumentation, l'est concis le gars.
"Atar Gull" en quatrième position, ce dont je suis surprise car je pensais qu'il l'avait moins aimé. Mais je pense qu'il a fait ainsi car les autres étaient, je le cite derechef, "vraiment spéciales". Il aime bien l'originalité, mais là c'était un peu trop pour une partie des BD, sans compter que dans le lot certaines ont une touche un peu glauque voire morbide (moi j'adore ce genre d'ambiance, à son grand désespoir).

Voilà, reste à attendre les résultats officiels à présent.
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lundi 4 juin 2012

Fable africaine

4 de couv' :
- Tu racontes beaucoup de mensonges, il était une fois !
- Oui, mais mes mensonges à moi, ils sont beaux.


Un conteur d'histoires ambulant, à ses risques et périls, revient chez lui où "règne" un chef de police dictatorial qui interdit de raconter toute histoire, quelle qu'elle soit.

Il s'agit ici d'une très jolie fable africaine (mais pas pour les enfants !) sur la liberté qui m'a totalement séduite, bien que certains passages soient assez atroces.

Mention spéciale aux dessins et surtout à leurs couleurs, en totale harmonie avec les histoires racontées par le conteur. C'est du spectacle, après tout : décors, personnages et costumes doivent être à la hauteur.
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dimanche 3 juin 2012

La faute aux chinois

4 de couv' :
La vie de Louis Meunier bascule le jour où cet ouvrier prend fait et cause pour la secrétaire du DRH de l'abattoir où il travaille. De fil en aiguille, une histoire d'amour se trame, la famille grandit, et l'ascension sociale se fait dans le sang, de poulets et d'êtres humains.


BD dont l'histoire est assez originale, se déroulant sur une vingtaine d'années, d'une famille de français moyens assez atypique et franchement pas très nette.
Et tout ça sous fond de social, délocalisation, rachat de l'entreprise et autres effets de la mondialisation.

De l'humour grinçant, noir, une histoire très sombre mais qui finalement se termine bien. Du moins suivant le point de vue où l'on se place.
Sont quand même flippants, tous.

J'ai assez aimé, je pense que les adeptes de polars noirs aussi.
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