mercredi 31 août 2022

Mémoires de la marquise de la Tour du Pin


4 de couv' :
Née en 1770, appartenant à la noblesse la plus ancienne, Henriette-Lucy Dillon épouse en 1787 le comte de Gouvernet qui deviendra marquise de la Tour du Pin en 1825. Grâce au dévouement de la future Madame Tallien, la comtesse de Gouvernet échappe à la Terreur, s'embarque à Bordeaux pour l'Amérique avec sa famille. Son journal apporte quantité d'informations, de scènes et de portraits de l'ancien régime, la Révolution, la vie sous le Consulat et l'Empire. Des pages très singulières et amusantes relatent l'exil en Amérique, où Henriette-Lucy, s'écartant de la vie mondaine des autres émigrés, se fait fermière, marque à ses armes ses mottes de beurre, se lie d'amitié avec les Indiens.
Les Mémoires de la marquise de la Tour du Pin s'arrêtent en 1815. Afin de couvrir la période compris entre 1815 et la mort de l'auteur (1853), Christian de Liederke Beaufort publie ici des pages de la Correspondance de la marquise avec ses amis, comme par exemple la comtesse de la Rochejacquelein et Madame de Staël.


L'exercice de l'écriture de mémoires peut être délicat je pense pour son auteur : difficulté à retrouver les dates précises, les noms des personnes, les lieux exacts, la chronologie des évènements. A moins d'avoir tenu un journal la plus grande partie de sa vie (s'il n'est pas égaré), il lui faudra bien se rabattre sur sa mémoire, son entourage, des livres ou archives sur l'Histoire.

Pour le lecteur, la difficulté est autre : si les imprécisions ou erreurs sont comme ici corrigées par des notes en fin d'ouvrage, on ne peut s'empêcher de prêter à l'auteur un manque d'objectivité (on n'est pas toujours le bon juge de soi-même ou de sa classe sociale... Ou des autres). Et pour une période que l'on n'a pas vécue ou qu'on connaît plus ou moins bien, il faut bien se reposer sur le texte proposé.
Et surtout, éviter de considérer une époque avec la mentalité d'aujourd'hui !

Cela étant posé, je trouve que la marquise de la Tour du Pin, à l'écriture exquise et si agréable à lire, a bien réussi ce difficile exercice d'objectivité. Qu'elle soit issue de la noblesse, n'empêche pas qu'elle garde un regard critique sur son milieu d'origine et certains de ses membres, tout en condamnant la violence de la Révolution.
Elle écrit ses mémoires avec sincérité, et autant avec sa tête qu'avec son coeur.

Sur sa vie en elle-même, on peut dire qu'elle en a vécu plusieurs et en de nombreux endroits ! A chaque nouveau lieu, nouvelle vie, à moins que ce ne sois l'inverse... Chaque redémarrage étant évidemment facilité par l'argent qu'elle et son mari ont pu conserver, ce qui les a bien aidés à s'installer, en particulier en Amérique.
Redémarrages facilités également par ses relations qui lui permettent, selon les époques et le contexte, d'être lus ou moins près du pouvoir.

Et si la fin de sa vie (évoquée dans les extraits de sa correspondance, qui suivent les mémoires), elle ne vivait guère dans l'opulence, il me semble cependant qu'elle vivait mieux que les gens du peuple et ne manquait ni de soutiens ni de solutions de repli, ne serait-ce qu'au sein de sa famille.
Cela étant, fidèle à elle-même (car elle est d'un caractère volontaire), on ne peut pas dire qu'elle se plaigne vraiment.

Ce livre est des plus intéressants (dommage qu'il ne soit plus réédité), d'autant que la liste des personnes, la généalogie, les notes des mémoires et de la correspondance en font un ouvrage des plus complets sur cette époque.

Ces mémoires, si bien écrits, témoignage passionnant de leur temps, ont donc été pour moi un vrai plaisir de lecture.
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samedi 20 août 2022

La petite fille qui aimait Tom Gordon


4 de couv' :
C'est exprès que Trisha s'est laissée distancer par sa mère et son frère, ce jour-là, au cours d'une excursion sur la piste des Appalaches. Lassée de leurs sempiternelles disputes depuis que Papa n'est plus là.
Ce qu'elle n'imaginait pas, c'est que quelques minutes plus tard elle serait réellement perdue dans ces forêts marécageuses. Qu'elle affronterait le froid, la faim, la nuit, les bruits et les rumeurs de la nature. Et deux personnages terrifiants acharnés à sa perte : la Teigne et la Chose. Il lui reste son baladeur, sur lequel elle peut suivre les exploits de son idole, Tom Gordon, le joueur de base-ball. Le seul qui peut l'aider, la sauver.


Le sujet est simple : une petite fille se perd dans la forêt. Sauf que l'écrivain étant Stephen King, le déroulement de cette histoire ne le sera pas autant.

Très vite, nous perdons notre regard d'adulte raisonnable sur Trisha, pour finalement nous retrouver comme elle, dans l'expectative. Quelle est la part de réel, et quelle est la part de visions dues à la fatigue, la peur ou la fièvre ? Car étant adulte et se disant "ok, ça, c'est à cause de ça", par moment, on finit par se demander "et si ?".

Et c'est ainsi tout le long du livre, on ne distingue plus ce qui est réel de ce qui ne l'est pas car nous suivons Trisha sur le parcours tracé par l'auteur.

Jusqu'à la fin, ambigüe à souhait...
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vendredi 19 août 2022

Nosaka aime les chats


4 de couv' :
Le pavillon de Nosaka à Tôkyôest plein de chats, l'un blotti sur les dernier manuscrit, l'autre amateur de saké, cohabitant avec les chiens, les oiseaux ainsi que les énormes crapauds du jardin.
Et l'humain écrivain observe d'un regard aigu tous ces êtres familiers, commente, se confie, philosophe, car sa fréquentation des chats lui délivre moult enseignements sur l'existence, le rapport à la nourriture ou à la mort. Ses chroniques au jour le jour, souvent égayées par un sourire facétieux, se font aussi graves pour évoquer les souvenirs de chats hantant avec nonchalance les décombres de la guerre ou du tremblement de terre de Kôbe, énigmes de sérénité.


Je trouve toujours intéressant de lire le point de vue de personnes possédant un ou des chats.

Il s'agit la plupart du temps, et de façon plus ou moins réussie suivant les auteurs, de décrire la rencontre et le quotidien avec le(s) félin(s) de sa vie, truffés d'anecdotes où on se reconnaît tous, de notre perplexité (et sentiment d'infériorité - ils savent nous le faire sentir, reconnaissons-le) d'humain devant nos compagnons.

Ici il s'agit aussi de réfléchir sur le sens de la vie, de notre statut d'humain dans ce monde, de la noblesse du chat.

Ce fut une plaisante lecture, comme si je discutais avec un ami de notre amour commun des chats.
Une réussite du genre.
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mardi 16 août 2022

Un été avec Rimbaud


4 de couv' :
Lire Arthur Rimbaud vous condamne à partir un jour sur les chemins.
Chez le poète des Illuminations et d'Une saison en enfer, la vie s'organise dans le mouvement.
Il s'échappe hors de l'Ardenne, cavale dans la nuit parisienne, court après l'amour en Belgique, se promène à Londres puis s'aventure à mort sur les pistes d'Afrique.
La poésie est le mouvement des choses. Rimbaud se déplace sans répit, changeant de point de vue. Son projet : transformer le monde par les mots.
Ses poèmes sont des projectiles, des bouquets de feu : cent cinquante ans plus tard, ils nous atteignent encore.

Au temps où le monde était paralysé par un virus chinois, Sylvain Tesson s'est échappé une saison avec Arthur Rimbaud.
La littérature, meilleur antidote à l'ennui.
Un été avec Rimbaud est à l'origine une série d'émissions diffusées pendant l'été 2020 sur France Inter.


Bizarrement, et bien que le ton et l'écriture soient les mêmes, je n'ai pas autant apprécié "Un été avec Rimbaud" que "Un été avec Homère".

Pourtant, ce sont tout deux des auteurs que j'ai très peu lus. Même si dans le cas d'Homère, je connais relativement bien l'histoire de l'Iliade et l'Odyssée et que dans le cas de Rimbaud, je ne connais que "le dormeur du val" grand poème classique étudié pendant la scolarité.
Autant dire que je connais beaucoup moins l'oeuvrer de Rimbaud, pour le coup.

Et c'est peut-être de là que cela m'a posé problème : difficile de se plonger dans une oeuvre que l'on ne connaît pas. Ajoutez à cela que j'ai de grosses lacunes pour tout ce qui ressemble de près ou de loin à la poésie, et malgré la volonté de Sylvain Tesson de vulgariser au maximum l'analyse de texte, l'étude de l'oeuvre et la vie de Rimbaud, je dois reconnaître que ma lecture a été un peu plus laborieuse que d'habitude.
Et pourtant, j'adore l'écriture de Sylvain Tesson mais cette fois, ça a été plus compliqué pour moi d'assimiler et ses idées, et les textes du poète. Sans compter que j'ai commencé par entrecouper ma lecture de ce livre par les poèmes cités en référence dans chaque chapitre. J'ai vite arrêté d'ailleurs, car je ne savais plus où j'en étais de ma lecture par moment.

Je regrette aussi certaines comparaisons avec notre époque, qui cassent un peu la fluidité du texte sur le sujet principal de cette série d'émissions radiophoniques, à savoir Rimbaud. Et sont parfois en trop. Heureusement ces passages ne sont pas si nombreux, mais si ils s'expliquent par le contexte de l'époque, ils sont maintenant, seulement deux ans après, un peu en trop.

Quoi qu'il en soit, ce qu'il faut retenir de ce livre, en dehors de la biographie du poète, c'est la beauté. Peu importe le sens de ses poèmes, seule la beauté de la langue telle que maniée par Rimbaud est la seule vérité valable dans son oeuvre.

Et ça, Sylvain Tesson l'a admirablement bien exposé.
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lundi 15 août 2022

Le brasier de l'ange


4 de couv' :
Les Fontenot ont été métayers de la famille Bertrand pendant plusieurs générations, mais Moleen, l'actuel propriétaire, veut les expulser. Alors que la plantation Bertrand est déjà envahie de bulldozers, la vieille Bertie Fontenot soutient qu'elle possède un titre de propriété sur ces terres où, selon la légende, Jacques Lafitte aurait enterré de l'or.
Au même moment, Sony Boy Marsallus, un chien fou dont les exploits au Salvador et auGuatemala lui ont valu une réputation de "survivant indestructible", confie à Dave Robicheaux son journal intime en lui demandant de le garder au cas où il lui arriverait malheur. Or c'est Della, la petite amie de Marsallus, qui est victime de tueurs particulièrement barbares.
Dave mène l'enquête auprès de sa collègue Helen Soileau et de son vieux complice Clete Purcel, et plus il s'efforce d'atteindre la vérité, plus elle lui échappe et plus la menace se précise contre lui et sa famille.


Difficile de faire ici un commentaire qui ne soit pas une redite de ce que j'ai déjà dit précédemment, à savoir sur "Dixie City".

Sur l'histoire en elle-même, la tension va crescendo, avec une pointe mystique que l'on trouvait déjà dans "Dans la brume électrique  des morts confédérés", et notre héros se retrouve progressivement pris dans un étau. Et comme toujours, il essaye de régler les choses à sa manière mais ne fait que les empirer, jusqu'à ce que...

Encore une fois, une histoire admirablement servie par une langue magnifique.
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samedi 6 août 2022

Les anges de New York


4 de couv' :
Malgré l'avis de sa hiérarchie, Franck Parish, inspecteur au NYPD, s'entête à enquêter sur le meurtre d'une adolescente, victime, pense-t-il, d'un tueur en série. Contraint de consulter une psychothérapeute après la mort de sa partenaire, Franck va lui livrer l'histoire de son père, figure éminente des Anges de New York, ces flics d'élite qui, dans les années 1980, ont nettoyé Manhattan de la pègre et des gangs. Une histoire bien différente de la légende communément admise.
À travers la police de New York, Ellory s'attaque de nouveau à la mythologie américaine.
Avec ce récit d'une rare profondeur, il nous offre un thriller au suspense omniprésent et le portrait déchirant d'un homme en quête de justice et de rédemption.


Bon polar, bien qu'il soit assez classique dans le genre (le héros alcoolique qui lutte contre son addiction et ses démons), et qu'il ne soit pas mon préféré de cet auteur.

Cela étant, bien construit, une enquête minutieuse suivie pas à pas "comme si on y était" (amateurs de polars bien musclés avec énormément d'action, passez votre chemin), et une fin qui tranche avec le reste du ton du roman, ce qui peut sembler surprenant mais est plutôt bienvenu et bien trouvé.
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lundi 1 août 2022

Trente-six chandelles


4 de couv' :
Allongé dans son lit en costume de deuil, ce 15 février, Mortier Decime attend sagement la mort. En effet, depuis son arrière-grand-père, tous les hommes de sa famille sont décédés à 11 heures du matin, le jour de leurs trente-six ans.
La poisse serait-elle héréditaire, comme les oreilles décollées ? Y a-t-il un gène de la scoumoune ? Un chromosome de manque de pot ? Que faire de sa vie, quand le chemin semble tout tracé à cause d'une malédiction familiale ? Pas grand-chose... sauf si le Destin et l'Amour ont décidé de rebattre les cartes.
C'est avec une irrésistible fantaisie que Marie-Sabine Roger retrace la saga tragique et hilarante des Decime pour offrir une réflexion sur la mort, un éloge de l'incertitude et une belle leçon d'humanité.


Si je n'ai pas autant aimé que "Les bracassées", et que certains  personnages sont parfois communs à force d'être caricaturaux, je dois avouer que j'ai presque autant ri et j'ai vraiment apprécié cette histoire, à la trame de base si improbable (et c'est d'autant mieux).

Une lecture agréable, pleine d'humour, de légèreté et d'humanité. Une vraie bulle de bonheur pour jours moroses... ou pas.
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