jeudi 6 juin 2019

Jubilations vers le ciel

4 de couv' :
A douze ans, Nestor a connu Hélène, et il a aussitôt décidé qu'elle serait "son amoureuse". Pendant quarante ans, il essaiera de la séduire.
Voilà pour le thème. Reste l'essentiel, à savoir l'éblouissante cavalcade à laquelle se livre ici un écrivain de vingt-sept ans qui sait jouer de tous les registres, faire vibrer toutes les cordes de l'amour, du lyrique au sensuel, du drôle au tragique, de l'étourdissement de la vie à l'horreur du vieillissement... Un coup de maître, salué à la fois par le Prix Goncourt du premier roman et le Prix François Mauriac de l'Académie Française.


Bon. Bon, bon, bon. 

Je me retrouve avec ce roman dans la même perplexité qu'avec ceux de Joyce Carol Oates : j'aime assez sans adorer vraiment tout en sachant que j'ai incontestablement affaire à un auteur, un vrai. Et qu'il ne manquerait pas grand chose pour qu'ils deviennent mes auteurs favoris.

Passé cela, j'ai apprécié l'écriture, l'humour subtil, mais ai été franchement dérangée par le côté obsessionnel de Nestor tant les hommes comme lui sont malheureusement encore un peu trop monnaie courante. Alors certes, il aime Hélène, mais est franchement inquiétant dans sa manière d'exprimer son amour et sa façon de tenter de se rapprocher d'elle. Et surtout de ne pas comprendre que non, c'est non, un point c'est tout.
J'ai particulièrement apprécié le journal d'Hélène, qui permet de percevoir le roman sous un autre jour, mais je n'en dirai pas plus.

Je pense être passée un peu à côté de ce roman pendant sa lecture. Donc à relire, assurément.
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mardi 4 juin 2019

Conversations avec mon chat

4 de couv' :
Lorsque par un matin londonien grisâtre, Sara voit apparaître comme par magie sur le rebord de sa fenêtre une chatte douée de parole, elle croit bien sûr à une hallucination. Et pourtant l'animal revient... Sara, d'abord incrédule, la laisse finalement entrer dans sa vie. La jeune femme, surmenée et malheureuse dans son couple, n'est pas contre une présence chaleureuse...
Et qui pouvait imaginer que la féline conduirait Sara bien plus loin dans ses réflexions qu'elle ne l'avait imaginé, et la guiderait sur le chemin d'une vie pleine et heureuse ?

Roman gentillet, sans plus, mais qui a l'avantage grâce ce coach de vie personnel qu'est cette chatte, de donner des petits trucs tous bêtes  pour profiter de la vie, si besoin est.
Vous l'aurez deviné, il fait partie des cadeaux de Noël de mon homme, qu'il a choisi pour les raisons expliquées dans un précédent article.

L'écriture est assez banale, l'histoire aussi (nan mais moi aussi je discute avec mon chat donc rien d'anormal là-dessus).
Je me suis évidemment trouvé des points communs avec Sara, dans le côté presque-burn-out-qui-a-besoin-d'un-arrêt-et-se-résout-à-le-prendre, mais ça s'arrête là.

Les entraînements quotidiens auxquels elle se soumet sont bien sympathiques et donneraient envie de faire de même, ne serait-ce que par jeu.
Le côté militant vegan-écolo-anti-capitaliste de la fin du roman m'a un peu agacée, non pour le côté militant mais plutôt pour le fait que cela arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et même si on peut supposer que l'auteur est convaincu, on ne peut s'empêcher de se demander s'il ne serait pas en train de surfer, comme d'autres, sur un effet de mode (entendons-nous bien : je ne considère pas le mode de vie vegan pour un effet de mode, mais ai plutôt la désagréable impression que beaucoup se font du fric actuellement sur ce concept-là sans réelle conviction).
Avec en plus un angélisme ridicule du "soyons vegan et notre vie deviendra un paradis".  J'aime les gens convaincus, pas les doux rêveurs.

A part ces quelques critiques, roman sympathique de détente, avec l'avantage pour la mamie à chat en devenir que je suis, de voir ce noble félin pris comme exemple pour sa philosophie de vie.
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dimanche 2 juin 2019

Va et poste une sentinelle

4 de couv' :
Milieu des années 1950. Jean Louise Finch, dite "Scout", est de retour à Maycomb, sa petite ville natale de l'Alabama, pour rendre visite à son père, Atticus. La nation se déchire autour des questions raciales. Confrontée à la société qui l'a façonnée mais dont elle croit s'être affranchie en partant vivre à New York, Jean Louise va découvrir ses proches sous un jour inédit...


Je tiens à préciser tout d'abord que ce roman est très différent de "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur", de la même auteure. Ceux qui s'attendent à y trouver le même esprit seront forcément déçus.
Si vous l'oubliez ou mettez de côté l'autre histoire, celle relatée par la petite Scout, vous serez éblouis.
Je retrouve du Ernest J. Gaines dans ce roman, la même subtilité, la même intelligence pour dire de grandes et profondes choses en peu de mots, en toute simplicité.
Un grand roman du sud des Etats-Unis, qui, je l'espère, va devenir un classique.

Au final, ce livre parle d'évolution.
D'évolution d'une certaine société blanche, qui la refuse, de toute une communauté noire qui a fini par ouvrir les yeux sur le fait que oui, ils ont bien des droits et qu'il serait plus que temps de les faire appliquer, de la rupture entre ces deux mondes (qui existait déjà mais prend une nouvelle forme) et deux époques.

Et l'évolution personnelle de chaque protagoniste : Scout, tout d'abord, qui apprend avec douleur à voir son entourage tel qu'il est réellement et finit par mûrir et enfin devenir adulte. Et qui pour moi, au début du roman, a un côté tête à claque de gamine qui revient chez elle avec un sentiment que tout est acquis et redécouvre la complexité de ses proches et de la société dans laquelle elle a grandi. Et apprend à ne plus voir les choses de façon manichéenne. Le fait de vivre ailleurs et d'avoir une autre vision de cette société dans laquelle elle a grandi lui sera certes douloureux, mais salutaire.
Son père et l'associé de ce dernier, plus complexes qu'ils ne semblent à première vue.
Leur ancienne domestique, qui n'a peut-être pas changé tant que ça au fond, sauf aux yeux de Scout qui sort de sa naïveté enfantine...

Evolution ou non d'ailleurs, les blancs de ces états du sud ne comprenant définitivement pas pourquoi les noirs en demanderaient plus parce que ne comprenant pas qu'ils n'ont jamais rien eu en matière d'égalité de droits, et qui transpirent de peur et donc de haine face à ce bouleversement de leur mode de vie.
Le personnage de la tante en cela est intéressant tant elle est emblématique de cette société bien campée sur ses acquis, persuadée de son bon droit, d'être la garante d'une façon de vivre et de penser dont elle ne réalise pas qu'elle fait depuis longtemps partie du passé. Pas seulement sur les droits des noirs, mais aussi sur la hiérarchie existant dans cette société blanche et patriarcale.
Scout est définitivement de la nouvelle génération de citoyens américains et surtout de la nouvelle génération de femmes qui compte maîtriser sa vie et ne plus se laisser étouffer dans ce carcan et encore moins dans cette société d'apparence, où sa tante porte encore le corset...

Car la complexité du roman et de chaque personnage tient là : une évolution qui pour certains se fait sans eux sans qu'ils le demandent, qui accusent des éléments extérieurs de bouleverser leur vie (le gouvernement, le NAACP), tout se en réunissant en des conseils de citoyens pour se rassurer sur le bien-fondé de la ségrégation...
Et évidemment, ils restent entre eux, il ne viendrait à l'idée de personne d'échanger avec quiconque de la communauté noire du patelin (si tant soit est que l'un d'entre eux souhaiterait tenter l'expérience...). Et encore moins quelqu'un d'extérieur à leur ville ou Etat.
Le passage sur le conseil de citoyens est d'ailleurs celui qui m'a le plus marquée, tant le lecteur, tout comme Scout, se prend une magistrale claque.

Ce roman est à un moment charnière de l'histoire des Etats-Unis et on se le referme avec un sentiment de malaise salutaire tant on sait que le combat à mener sera long, douloureux et pénible pour tous.
Et pas vraiment réglé de nos jours.


"Il l'ouvrit et dit: "Notre texte, aujourd'hui, est tiré du livre d'Isaïe, chapitre 21, verset 6 :
Car ainsi m'a parlé le Seigneur :
Va et poste une sentinelle ; qu'elle annonce ce qu'elle verra""

"(...) c'étaient les mêmes individus qui constituaient l'Empire invisible, qui haïssaient les catholiques ; des Anglo-axons au sang rouge à cent pour cent, habités par l'ignorance et la peur, rubiconds, rustres, respectueux de la loi, ses compatriotes américains - la lie."
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