samedi 29 octobre 2022

Le goûter du lion


4 de couv' :
Ce qui fait de ce livre grave et pudique un roman solaire, c'est d'abord le lieu : l'île aux citrons dans la mer intérieure du Japon, qu'il faut gagner en bateau ; et encore, l'image magnifique de l'union de la mer, du ciel et de la lumière : la mer scintillante, illuminée par un incroyable sourire, surplombée par la Maison du Lion, ce leu de paix où Shizuko a choisi de venir pour vivre pleinement ses derniers jours en attendant la mort.
Avec elle, nous faisons la connaissances des pensionnaires - ses camarades, ses alliés et pour tout dire, sa nouvelle famille - ainsi que de la chienne Rokka qui s'attache à elle pour son plus grand bonheur. En leur compagnie, il y aura aussi les goûters du dimanche où grandit peu à peu son amour de la vie qu'on savoure en même temps qu'un dessert d'enfance, une vie qui aurait le goût de la fleur de tofu, d'une tarte aux pommes ou des mochis-pivoines.
Avec la délicatesse d'écriture que nous lui connaissons dans ses précédents romans, Ogawa Ito entraîne peu à peu Shizuko sur un chemin de poésie dont la mélodie possède la voix grave et conciliante d'un violoncelle ; un chemin apaisé comme pour dire la gratitude d'exister.

Jamais le thème de la fin de vie n'aura été si brillamment et délicatement écrit qu'avec ce livre.
Ito Ogawa est maintenant bien connue pour sa facilité à aborder les sujets les plus délicats dans ses romans empreints de délicatesse et de douceur. Celui-ci est le meilleur qu'elle ait écrit et nous renvoie à nos propres interrogations et perceptions de notre mort.

J'ai eu la surprise de trouver dans ce roman tous es thèmes abordés dans les précédents, de façon plus ou moins poussée selon le thème : la saveur de chaque plat préparé et ce qu'il peut remuer en nous (le restaurant de l'amour retrouvé) ; l'affection pour un animal ("Le ruban", que je n'ai pas encore lu) ; l'adoption, la notion de famille, recomposée ou pas (Le jardin arc-en-ciel) ; et dans une certaine mesure, la calligraphie (La papeterie Tsubaki et La république du bonheur).

J'ai été très (agréablement) surprise de retrouver tous ces thèmes en un seul livre, à croire que ce roman est un lien entre eux tous.

L'apogée de son oeuvre en tout cas.

Une caresse apaisante sur une angoisse existentielle commune à tous.

Bravo.
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jeudi 27 octobre 2022

Le commerce des Allongés


4 de couv' :
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance et continue d'habiter chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l'hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l'amour. Un soir de 15 août où l'on fête l'indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours à peine achetés l'après-midi, et assez extravagants, pour aller en boîte. (...)
Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. (...)
En toile de fond, la ville de Pointe-Noire et ses cimetières - en particulier le Cimetière des Riches, où chacun rêverait d'avoir une sépulture mais où les places sont très chères, et celui dit Frère-Lachaise, pour le tout-venant dont Liwa fait partie.
Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d'ailleurs étrangement vivants.

En préambule : j'ai tronqué une partie de la quatrième de couverture qui donnait des éléments de la fin du livre.

Avec tout le battage médiatique autour de la sortie de ce livre, j'avoue être un peu déçue. Mais pas tant que ça.

J'ai adoré la qualité de l'écriture et sa musicalité, car il faut dire qu'Alain Mabanckou a un vrai talent de conteur et pour cette histoire (ou plutôt plusieurs en une seule) et pour nous happer, nous faisant nous demander à chaque fin de chapitre "mais ensuite ?". Et bien la suite, au prochain chapitre, qu'on ne peut s'empêcher d'entamer alors qu'il est tard et que dormir serait quand même une bonne idée.

Et si le costume du personnage principal est on ne peut plus bariolé (voir la couverture), le moins qu'on puisse dire est qu'il est en accord avec la galerie de personnages, leur ville, leur pays, tous hauts en couleur.

La mort ? Un passage obligé, certes. Mais qui n'empêche pas de continuer à cotoyer le monde des vivants.

Une joyeuse façon d'aborder des thèmes qui ne le sont pas.
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mardi 11 octobre 2022

Pachinko


4 de couv' :
Début des années 1930. Dans un petit village coréen, la jeune Sunja se laisse séduire par un riche négociant étranger. Lorsque cette dernière tombe enceinte et découvre que son amant est déjà marié au Japon, elle refuse le marché qu'il lui propose : devenir sa seconde épouse, "l'épouse coréenne".
Pour éviter la ruine et préserver sa famille du déshonneur, Sunja choisira une troisième voie : la mariage avec Isak, un pasteur chrétien qu'elle connaît à peine et qui lui offre une nouvelle existence au pays du Soleil-Levant. Cette décision est alors le point de départ d'un douloureux exil, qui s'étendra sur huit décennies et quatre générations.
Avec une justesse historique remarquable et une écriture précise et dépouillée, Min Jee Lee nous offre un hymne intime et poignant à tous les sacrifices que font les immigrés pour trouver leur place en pays étranger.


Si la lecture de ce livre m'a enthousiasmée car l'histoire est vraiment intéressante, j'y mettrai cependant un certain nombre de bémols.

L'écriture est agréable mais sans plus et vu le succès de ce roman, je m'attendais à mieux. Le succès est donc plutôt dû à l'histoire, qui retrace tout un pan de l'Histoire de la Corée et du Japon et la façon dont les coréens ont été traités et en Corée, et au Japon.
Il y est fait allusion dans "Le poids des secrets", ce livre-ci m'a mieux fait comprendre le vécu de tout un pan de cette population.

Cela étant, on n'a guère d'explications sur cette colonisation de la Corée par le Japon. Les personnages la subissent, ou luttent contre, mais sans qu'on entre réellement dans les détails. Ils vivent leur vie comme ils peuvent, détachés (car trop dangereux) de tout ce qui est politique. Ceci n'est guère dérangeant pour le lecteur, puisqu'il s'agit avant tout de l'évolution d'une famille coréenne à travers les âges.

La dernière partie du livre m'a cependant moins plue : La vie des différents personnages dans les années 1970-80 m'a moins enthousiasmée que le reste du roman et je suis perplexe aussi sur la toute fin du roman, qui m'a laissé un goût d'inachevé.
Et un certain passage était peut-être très important selon le point de vue de l'autrice mais pas du tout en ce qui me concerne et n'apporte pas grand chose à l'histoire finalement. A moins de vouloir montrer une évolution des moeurs qui ne se fait que clandestinement, hypocritement.

Cela étant, ce roman est une très bonne histoire d'une famille tout au long du 20ème siècle (il commence  en 1910 et se termine en 1989), qui nous apprend l'histoire et la condition sociale des coréens vivant au Japon. En particulier ceux qui, bien que nés au Japon, n'ont pas la nationalité japonaise (pas de droit du sol là-bas) et sont coréens bien que la majorité d'entre eux n'aient jamais mis les pieds en Corée. Sans compter le racisme qui va avec. La fin laisse entrevoir une (légère) amélioration des mentalités, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il en est de nos jours.

Donc malgré ces quelques bémols, un livre prenant et instructif.
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dimanche 9 octobre 2022

Le temps est venu / Eveillez-vous à la liberté


4 de couv' :
Lorsqu'en 1994, après des décennies de lutte contre l'apartheid et vingt-sept années d'incarcération, Nelson Mandela devient président de la République sud-africaine, c'est un triomphe. Dès ce moment, Noirs et Blancs s'engagent dans le difficile processus de réconciliation.
Apprendre à vivre ensemble, c'est ce même défi que lançait Nehru au peuple indien en 1947, lors de l'accession à l'indépendance : faire de l'Inde un pays libre et démocratique, oublier les différences, réconcilier les pauvres et les princes.


S'agissant de deux discours, écrit dans des moments ô combien charnières dans l'histoire de ces pays, difficile de les commenter sans tomber dans des poncifs ridicules, d'autant que je ne suis pas historienne.

J'ai été surprise du choix de rassembler ces deux-là dans le même ouvrage et qui plus est pas par ordre chronologique.

Mais finalement, le choix est effectivement judicieux car s'il ne s'agit ni du même pays, pas même du même continent, encore moins de la même époque (presque un demi-siècle les sépare), le contexte est cependant le même : deux pays qui se trouve dans un moment de bascule dans leur histoire, qui doit réunifier un peuple dont les institutions précédemment en place ont tellement cloisonné les différentes catégories de population que la tâche semble insurmontable.
Mention spéciale aux chronologies (très éclairantes, même pour une piqûre de rappel) placées en fin de chaque discours. J'ai aussi apprécié d'avoir la version en anglais.

Ce qu'il est est advenu par la suite, on connaît, mais il est bigrement intéressant de se placer en les lisant du point de vue historique, du contexte de l'époque et évidemment de ce qu'on sait des suites.

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vendredi 7 octobre 2022

Une odeur de henné

4 de couv':
Kenza est médecin dans un hôpital de campagne. Son père lui a transmis sa passion des livres. Depuis son enfance, Kenza se sent différente, en rien semblable à sa mère ou à ses camarades de classe. Habitée par un vif désir de connaissance, elle fait tout pour échapper aux conventions de son milieu. Aussi, quand ses parents lui annoncent qu'un jeune homme a demandé sa main, Kenza, se révolte.Elle part  pour Paris, loin de l'emprise de la tradition. Sans se douter que sa soif de liberté y sera aussi mise à l'épreuve...
Grâce à son écriture sensible, Cécile Oumhani donne vie à un personnage attachant qui se débat dans ses contradictions, vit intensément ses émotions, s'émancipe, mais à quel prix, et découvre dans la souffrance une forme de libération.
Un roman élégant qui se fait l'écho intime de questions brûlantes dans la société tunisienne d'aujourd'hui.


Acheté l'année dernière lors de la foire aux livres des médiathèques de Brest, donc autant dire, trouvé un peu par hasard, ce livre a été pour moi une bonne surprise.
Je ne connaissais pas l'autrice, et le thème me plaisant assez, c'est donc aussi un peu par curiosité que je l'avais rajouté à ma pile (soit-dit en passant, vivement la prochaine foire aux livres des médiathèques de Brest, j'ai l'impression de n'avoir trouvé que des petits bijoux là-bas).

Je dois reconnaître que j'ai eu un peu de mal au début du livre  avec la narration. Je ne sais pas à quoi c'était dû. Peut-être le fait de passer d'un livre à l'autre, d'un univers à l'autre, la fatigue de la journée, un mélange de tout ça sans doute.
Puis je me suis accrochée et au final, le problème venait bien de moi car je me suis finalement laissée happée par l'histoire, au point de le dévorer dans la même soirée. Impossible de décrocher de l'histoire, de l'écriture, de l'envie de connaître la suite puis le dénouement.

Bref, je l'ai lu entièrement le soir-même. Heureusement que je ne travaillais pas le lendemain...

Je ne dirais rien de l'histoire, car je risquerais de trop en dévoiler, mais j'ai aimé la manière dont l'autrice présente les personnage, les contextes sociaux dans lesquels ils évoluent, le poids des traditions (et comment les contourner), et surtout le fait qu'elle sème par endroits le point de vue de certains personnages, offrant ainsi aux lecteurs une autre vision de l'histoire ou du personnage central. Courts chapitres bien venus, bien amenés, et incroyablement éclairant sur l'histoire.

Une belle réussite que ce livre.
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