samedi 26 juin 2021

L'appartement du dessous


4 de couv' :
Dans le petit immeuble parisien du Marais où elle vit depuis des lustres, Hectorine voit d'un jour à l'autre l'appartement du dessous investi par une nouvelle voisine, Sarah. Pour lui souhaiter la bienvenue, la vieille dame dépose une lettre sur le pas de sa porte. Cette missive sera suivie de beaucoup d'autres, retraçant une traversée du XXe siècle incroyable, entre le Cabourg de la Recherche, le Berlin du IIIe Reich et le Paris d'après-guerre.
Mais pourquoi toutes ces lettres ? "Un jour, vous saurez", promet la centenaire à Sarah qui se prend au jeu, intriguée par cette voisine invisible dont les confidences laissent percer l'aiguillon d'un douloureux secret...


Exquis. Je viens de passer la matinée à lire avec bonheur ce court roman épistolaire dont je n'ai pas réussi à décrocher du début à la fin. D'une traite !

Si l'écriture n'est pas exceptionnelle (mais certainement ni mauvaise ni plate), l'originalité de la forme fait que l'on est pris par ce jeu de correspondance et que, quelle que soit la rédactrice, le lecteur se surprend d'attendre avec impatience la missive suivante ! La fin, sous forme d'aveu, est inattendue, et c'est tant mieux ! Et on reste ému de cette amitié peu évidente au départ, qui se développe et se renforce au fil de cette correspondance.

Un excellent moment de lecture !
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vendredi 25 juin 2021

Personne n'a peur des gens qui sourient


4 de couv' :
Gloria a choisi ce jour de juin pour partir. Elle file récupérer ses filles à l'école et les embarque sans préavis pour un long voyage. Toutes trois quittent les rives de la Méditerranée en direction du Nord, la maison alsacienne dans la forêt de Kayserheim où Gloria, enfant, passait ses vacances. Pourquoi cette désertion soudaine ? Quelle menace fuit-elle ? Pour le savoir, il faudra revenir en arrière, dans les eaux troubles du passé, rencontrer Giovannangeli, qui l'a prise sous son aile à la disparition de son père, lever le voile sur la mort de Samuel, le père de ses enfants - où était Gloria ce soir-là ? -, et comprendre en fin quel rôle l'avocat Santini a pu jouer dans toute cette histoire.
Jusqu'où peut-on protéger ses enfants ? Dans ce roman tendu à l'extrême, Véronique Ovaldé met en scène un fascinant personnage de mère dont l'inquiétude face au monde se mue en un implacable sang-froid pour l'affronter.


Sublime, somptueux, magnifique. Aussi bien pour l'écriture (surtout l'écriture, quel bonheur de retrouver cette autrice !) que pour l'histoire et la construction de l'histoire, la façon dont tout se complète, petit bout par petit bout, le doute qui s'insinue en nous, lecteurs, jusqu'au dénouement, jusqu'à l'épilogue.

J'ai adoré la musicalité de l'écriture, les personnages, l'histoire, l'humour, les descriptions de paysages, j'ai respiré à fond chaque parfum évoqué, bref, j'ai apprécié pleinement cette lecture. Un vrai bonheur !
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jeudi 24 juin 2021

Un petit carnet rouge


4 de couv' :
À 96 ans, Doris habite seule à Stockholm. Elle n'a plus aucune famille si ce n'est une petite-nièce qui vit aux États-Unis. Son bien le plus précieux est un carnet d'adresses, qu'elle possède depuis 1928. Ce calepin rouge contient le souvenir des gens qu'elle a rencontrés au fil de son existence, et dont elle a rayé les noms à mesure qu'ils ont quitté ce monde.
De l'excentrique bourgeoise pour qui elle a travaillé enfant à l'amour de sa vie rencontré à Paris, de la veuve qui lui a appris l'anglais sur le bateau l'emmenant à New York aux plus grands couturiers français qui l'ont vue d"filer, de l'artiste suédois devenu son confident à sa propre soeur, au destin douloureux, l'existence de Doris est une épopée romantique, tragique et émouvante.


Malgré une écriture assez quelconque et quelques invraisemblances ou situations improbables, je dois reconnaître que je me suis laissée prendre à cette histoire au fil de la lecture.
J'ai bien failli verser ma petite larme vers la fin (mais étant dans le bus j'ai bien dû me retenir).

Donc si l'histoire est assez classique, elle n'en reste pas moins émouvante et plaisante à lire. Un roman comme on les aime en automne, lové sous la couette ou en été sur la plage.
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samedi 19 juin 2021

Tram 83



4 de couv' :
Tous les soirs au tram 83 on voit débouler les étudiants en grève et les creuseurs en mal de sexe, les canetons aguicheurs, les touristes de première classe et les aides-serveuses, les biscottes et les demoiselles d'Avignon, la diva des chemins de fer et Mortel Combat, bref, toute la Ville-Pays prête à en découdre sur des musiques inouïes, réunie là dans l'espoir de voir le monde comme il va et comme il pourrait dégénérer.
Lucien, tout juste débarqué de l'Arrière-Pays pour échapper aux diverses polices politiques, s'accroche à son stylo au milieu du tumulte et se retrouve coincé dans une mine de diamants, en garde à vue, ou dans le lit d'une fille aux seins-grosses-tomates. Pendant ce temps, Requiem, magouilleur en diable, ex-pote du susnommé, et Malingeau, éditeur et amateur de chair fraîche, se disputent allègrement les foules. Car dans la Ville-Pays, il n'y a qu'une chose qui compte : régner sur le Tram 83 et s'attirer les bonnes grâces de ce peuple turbulent et menteur, toujours au bord de l'émeute.


Déroutant.

Je l'ai pris au hasard dans un rayon de la bibliothèque, ne savais pas trop quoi penser du résumé, et ne sais pas beaucoup plus quoi penser du livre maintenant que je l'ai fini.

Le fait est que l'écriture, excellente, poétique, rythmée, énergique, traduit bien le chaos du pays et de la ville où évoluent les personnages. Chaos dans lequel débarque Lucien, personnage totalement en décalage avec ceux qui l'entourent. Car ici tout est question de survie, les codes établis d'avant la guerre ont totalement été balayés, et il n'y a guère de place pour les écrivains. Sauf ceux qui travaillent pour le pouvoir en place, ce que Lucien se refuse de faire. C'est le seul personnage qui refuse la compromission, les trafics en tous genres (ou presque) et pour qui seuls sont valables des principes d'une autre époque.
D'un côté on se dit qu'il est un peu pitoyable dans son entêtement à vouloir vivre de la littérature et selon ses principes, on a envie de le secouer en lui disant, "eh, c'est dans ce monde-là que tu vis, adapte-toi enfin !" et d'un autre côté, on se dit qu'il est la dernière parcelle de lumière dans ce monde si sombre et agité.

Et en même temps, l'auteur distille ça et là quelques critiques bien senties à l'égard des occidentaux (pas que, il y a quelques chinois aussi) qui exploitent leur mine, peu importe le pouvoir en place.

Livre intéressant, à ne lire rien que pour l'écriture, sublime, mais que j'ai failli laisser tomber à la moitié (il ne fait que 200 pages), tant j'avais du mal à me mettre dedans (comme Lucien du reste).
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mardi 15 juin 2021

Celui qui va vers elle ne revient pas


4 de couv' :
Shulem Deen a été élevé dans l'idée qu'il est dangereux de poser des questions. Membre des skver, l'une des communautés hassidiques les plus extrêmes et les plus isolées des États-Unis, il ne connaissait rien au monde extérieur. Si ce n'est qu'il fallait à tout prix l'éviter. Marié à l'âge de dix-huit ans, père de cinq enfants, Shulem Deen alluma un jour un poste de radio- une première transgression minime. Mais sa curiosité fut piquée et le mena dans une bibliothèque, puis sur Internet, et ébranla les fondements de son système de croyances. Craignant d'être découvert, il sera finalement exclu pour hérésie  par sa communauté et acculé à quitter sa propre famille. Dans ce récit passionnant, il raconte ce long et douloureux processus d'émancipation et nous dévoile un monde clos et mystérieux.


Cette lecture fut intéressante à tous points de vue. D'abord en me faisant découvrir une religion que finalement que je ne connais que très peu, en faisant évidemment abstraction des aspects les plus extrêmes, les hassidiques, surtout ceux décrits dans le livre étant les plus extrêmes dans leur rites, et leur façon de vivre et de penser.
La description d'une religion aussi orthodoxe, en immersion, permet de mieux en comprendre tous les mécanismes et peut aisément s'appliquer à n'importe quelle religion ou secte.
Et par extension, à tout mode de vie en vase clos comme par exemple, quelqu'un vivant toute sa vie dans la même ville ou village, ne rencontrant que les mêmes personnes, avec les mêmes opinions, et ne comprenant pas qu'on puisse vouloir vivre ailleurs. Donc même en n'étant pas juifs et encore moins juifs orthodoxes, on s'assimile aisément au narrateur.

Cette immersion est servie par une écriture simple mais soignée, dont chaque mot a été pensé (mention spéciale à la traductrice), amenant chacun à comprendre, assimiler, suivre aisément le cheminement du narrateur.

L'autre force de ce livre est l'humilité du narrateur envers lui-même et son souci d'objectivité quand il expose tous les aspects de sa vie, même les moins glorieux.
Il ne juge pas, il ne blâme pas ou rarement (et encore seulement sur des sujets où à sa place j'aurais eu envie de hurler à la face du monde certaines injustices qui lui ont été faites), il se remet en question, tout en affirmant ses convictions.

Et c'est bien le problème des extrêmes : à force de vouloir suivre à la lettre des principes d'un autre âge, il n'y a pas de possibilité d'évolution, une incapacité et même un rejet à vivre dans le monde moderne... Ce qui facilite l'incapacité pour certains de sortir du seul milieu qu'ils connaissent (et là encore je ne parle pas que des hassidiques).

Un livre aussi pédagogique, instructif, que salutaire, qui a amplement mérité son prix Médicis essai, et que je recommande absolument.
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vendredi 11 juin 2021

Le paradis des poules


4 de couv' :
La rue des Acacias, une rue tranquille de Roumanie, dans une banlieue de province. Les habitants sont retraités ou au chômage, mais les langues ne chôment pas, l'alambic non plus. Quel secret se cache dans les fondations de la maison du Colonel ? La destruction de leur rue aura-t-elle lieu, alors qu'avancent les travaux pharaoniques de Ceausescu ? Qu'advient-il de la P'tite lumière de la transition du temps d'Illiescu, quand les trop nombreux pigeons de ladite transition perdent leurs économies dans des placements aussi mirifiques qu'éphémères ? Lorsque (spoiler)... Ces retraités gouailleurs dérident les plus mélancoliques ; hâbleurs, fanfarons et un tantinet affabulateurs, maris bavards, ils ont l'oeil qui frise, la descente rapide et sont capables de beaucoup de mauvaise foi... Ils sont malicieusement peints par l'auteur qui jette le doute : ses personnages regretteraient-ils "le paradis de poulailler" d'avant 1989 ?


J'ai un peu tronqué le texte de quatrième de couverture, la partie tronquée faisant référence à la fin du livre. Or cette partie est justement le prétexte de l'histoire : un évènement a eu lieu, le lecteur ne sait pas lequel, et cette nouvelle, comme toute nouvelle, fait le tour du quartier, ce qui est un prétexte pour présenter chaque maison et ses occupants... jusqu'à celle où l'évènement a eu lieu et où on apprend enfin ce qui est arrivé.
Or connaissant l'évènement dès le départ, ça m'a gâché et la surprise et un peu la lecture du livre.

Abstraction faite de cela, c'est effectivement la vie de tout un quartier avec des personnages haut en couleur, caricaturés avec tendresse, que l'on découvre.
Et avec eux, une certaine Roumanie, celle d'avant comme celle d'après 1989, car la plupart des personnages étant retraités, ils se souviennent d'avant, parfois avec nostalgie, parfois non, sont déboussolés de leur nouvelle Roumanie. Question de génération, question d'évolution d'un pays qui veut rattraper le reste du monde. On la voit pointer par moment, la jeune génération, et avec elle cette nouvelle façon de vivre et de faire.

Jubilatoire autant qu'intéressant.
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vendredi 4 juin 2021

L'affaire Jane Eyre


4 de couv' :
Dans le monde de Thursday Next, la littérature fait quasiment office de religion. A tel  point qu'une brigade spéciale a dû être créée pour s'occuper d'affaires aussi essentielles que traquer les plagiats, découvrir la paternité des pièces de Shakespeare ou arrêter les revendeurs de faux manuscrits. Mais quand on a un père capable de traverser le temps et un oncle à l'origine des plus folles inventions, on a parfois envie d'un peu plus d'aventure.
Alors, quand Jane Eyre, l'héroïne du livre fétiche de Thrsday, est kidnappée par Achéron Hadès, incarnation du mal en personne, la jeune détective décide de prendre les choses en main et de tout tenter pour sauver le roman de Charlotte Brontë d'une fin certaine...


Autant le dire tout de suite, ce roman est une uchronie dont l'auteur, à l'imagination débridée, s'est totalement lâché. C'est aussi jubilatoire que déroutant et l'histoire dont le cadre est le monde dans les années 1980, mais n'a rien à voir avec notre monde à la même époque, est un polar qui mélange allègrement inventions burlesques, voyages dans le temps, incursion du réel dans l'imaginaire et inversement. Avec une pincée d'humour anglais.

J'avoue avoir été aussi déroutée qu'amusée tout au long de la lecture. L'auteur joue avec la plupart des codes de chaque genre (polar, science-fiction, humour) et contre toute attente, réussit un ensemble assez équilibré. Pour qui aime la fantaisie et aime se laisser porter par ce genre de délire. Pour les autres, ce sera assez déroutant et pesant.

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé cette lecture, on peut le dire, franchement ébouriffante !
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