vendredi 30 septembre 2022

Devenir


4 de couv' :
Il y a encore tant de choses que j'ignore au sujet de l'Amérique, de la vie, et de ce que l'avenir nous réserve. Mais je sais qui je suis. Mon père, Fraser, m'a appris à travailler dur, à rire souvent et à tenir parole. Ma mère, Marian, à penser par moi-même et à faire entendre ma voix. Tous les deux ensemble, dans notre petit appartement du quartier du South Side de Chicago, ils m'ont aidé à saisir ce qui faisait la valeur de notre histoire, de mon histoire, et plus largement de l'histoire de notre pays. Même quand elle est loin d'être belle et parfaite. Même quand la réalité se rappelle à vous plus que vous ne l'auriez souhaité. Votre histoire vous appartient, et elle vous appartiendra toujours. A vous de vous en emparer.


Cette lecture m'a enthousiasmée, et enthousiasme, énergie, travail et optimisme inébranlable sont exactement ce qu'il faut retenir de ce livre et de la vie de l'ex-première dame des États-Unis. Et beaucoup d'amour aussi : pour sa famille, son mari, ses enfants et ses amis. Et une bonne pointe d'humour.

Il ne faut pas croire qu'elle est née dans une famille d'élites, ce qu'elle a obtenu, c'est par son travail, son abnégation (et un peu de chance aussi, le reconnaît-elle). Malgré ses doutes, car oui, cette femme qui donne une image de femme forte, est comme nous tous, perclue de doutes à certains moments de sa vis.

Elle réussit le tour de force de se livrer, de nous faire partager un quotidien des différentes étapes de sa vie sans cependant aller trop loin dans l'intimité. Elle aime maîtriser les choses, et ça se ressent sans être pesant.

Comme je le disais précédemment concernant une autre autobiographie, on n'est jamais le bon juge de soi-même, et si on se doute qu'elle maîtrise parfaitement les codes de la communication, je la crois sincère dans sa façon de retracer sa vie.

Et ceci dans une écriture parfaitement agréable à lire et abordable par tous.

Rien que pour la leçon d'optimisme, à mettre entre toutes les mains.
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vendredi 23 septembre 2022

Barracoon


4 de couv' :
En 1927, la jeune anthropologue Zora Neale Hurston part en Alabama rencontrer Cudjo Lewis.
À quatre-vingt-six ans, Cudjo est l'ultime survivant du dernier convoi négrier qui a quitté les côtes du Dahomey pour l'Amérique. Pendant des mois, Zora Neale Hurston va recueillir sa parole, devenir son amie, partager ses souffrances. Le témoignage de Cudjo restitue comme nul autre la condition d'un esclave : de sa capture en 1859 à sa terrifiante traversée, de ses années d'esclavage jusqu'à la guerre de Sécession, puis son combat pour son émancipation.

Je suis un peu mitigée sur ce livre.

J'ai adoré le récit de Cudjo Lewis, qui ne traite pas seulement (et finalement moins que je le pensais) de son passé d'esclave, de son enlèvement à après l'abolition de l'esclavage, mais aussi de son passé en Afrique (ou Affica).
L'autrice s'est battue pour que ce récit soit publiée dans sa langue vernaculaire, et non en anglais courant. Même si cela est dû à son approche ethnologique du récit et ainsi un souci d'authenticité, je lui en suis reconnaissante, car en dehors de la véritable beauté de cette langue, cela nous donne une approche réaliste de la culture afro-américaine.
Ce qui m'a éclairée davantage sur certaines de mes lectures d'auteurs afro-américains, et donné envie de lire d'autres livres de ce type.

Mais : sur un livre de de 237 pages, le récit en lui-même n'en fait que 81, auxquelles il faut ajouter les histoires, contes ou paraboles (et règles de jeu !) également contés par Cudjo Lewis, mis en appendice du récit.
Et surtout, ce récit est coincé entre d'un côté : la définition de "barracoon", un avant-propos, une introduction, une note de l'éditrice américaine, une préface, une introduction. Le récit commence donc page 53.
Et de l'autre, à partir de la page 163 : une postface, les remerciements (si, si, je les lis toujours), une liste des fondateurs et premiers habitants d'Africatown (qui aurait méritée d'être mieux placée), un glossaire (même remarque), les notes (dont beaucoup sont des références bibliographiques, au point que j'ai fini par repérer et ne plus lire que celles qui apportaient réellement un éclairage sur certains passages du livre), une bibliographie (...), une note sur l'éditrice américaine et une autre sur l'autrice.

Entendons-nous bien, tout cela est intéressant parce qu'instructif et nécessaire car il apporte un éclairage sur le récit en lui-même.

Mais, sans critiquer les choix de la maison d'édition américaine, je regrette que tous ces écrits soient aussi éparpillés et surtout qu'ils soient juste évoqués en quatrième de couverture, donnant ainsi l'impression que ce petit livre renferme essentiellement le récit de Cudjo Lewis. Alors qu'en nombre de pages, c'est l'inverse.

Petite frustration de ma part donc sur le récit en lui-même, mais curiosité intellectuelle et culturelle bien rassasiée par tous les autres écrits autour.

Mitigée, vous dis-je.
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dimanche 18 septembre 2022

Tant que le café est encore chaud


4 de couv' :
À Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulent mille légendes. On raconte notamment qu'en y dégustant un délicieux café, on peut retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud.
Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience et comprendre que le présent importe davantage que le passé et ses regrets. Comme le café, il faut en savourer chaque gorgée.

Je suis agréablement surprise de ce livre.

Je m'attendais à une certaine délicatesse, une vision un peu poétique et philosophique des relations humaines et des sentiments humains (et j'avais vu juste), mais pas à cette dose d'humour, à un fantôme, à la possibilité d'aller vers le futur, ni à ce groupe d'amis aussi émouvants, attachants que drôles. Sans compter les règles du jeu...
Et une fois refermé le livre, on sent que ce café si spécial n'a pas livré tous ses secrets.

Car ô bonheur, suivent deux autres tomes, le deuxième sort dans deux mois. Autant vous dire que je vais surveiller attentivement les nouvelles entrées de la médiathèque en novembre...
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samedi 17 septembre 2022

Daddy Love


4 de couv' :
Avec Daddy Love, Joyce Carol Oates plonge son lecteur dans l'horreur. Une horreur qui commence au centre commercial d'où Robbie Whitcomb, cinq ans, est enlevé sous les yeux de sa mère.
Le ravisseur, un technicien du kidnappping, collectionne les petits garçons dont il se débarrasse dès qu'ils atteignent la puberté. Devenu "Gideon", Robbie va ainsi passer sept an à obéir à Daddy Love. Mais qui est Daddy Love ? Un homme charmant du nom de Chet Cash. Pasteur itinérant de l'Église de l'Espoir éternel, dont les prêches subjuguent l'assistance, c'est aussi un citoyen actif du village de Kittatinny Falls, un artiste admiré faisant commerce d'objets en macramé, un homme que les femmes trouvent irrésistible. Tandis qu'il continue allègrement d'"éduquer" ses proies.
Approchant de l'âge "limite", alors que Daddy Love est déjà reparti en chasse, que va-t-il advenir de Gideon ? Sera-t-il éliminé comme ses prédécesseurs ?Parviendra-t-il à retrouver sa liberté ? Mais surtout, le souhaite-t-il ? Joyce Carol Oates nous fait vivre toute la complexité de cette captivité, et le lecteur ne manquera pas de se poser la question : que devient-on après des années d'intimité avec un monstre ?


Du très grand Joyce Carol Oates.

Elle arrive, de son écriture simple mais ô combien travaillée, à traiter avec délicatesse un si lourd sujet. À décrire sans concession ni voyeurisme sordide l'horrible quotidien d'un enfant enlevé par un pédophile. À nous faire comprendre, par petites touches, le phénomène de l'emprise, du dédoublement de personnalité.

Comme l'enfant, on bascule progressivement de sa personnalité d'avant à celle d'après. Au point qu'à un moment du livre, en lisant "Robbie" je me suis dit "c'est quel personnage déjà ?". Car comme Gideon, j'avais oublié qu'il avait été Robbie.

Du ravisseur, on ne sait rien ou si peu. Comme Robbie-Gideon.

Si le regard se porte toujours d'un point de vue extérieur (la narratrice est l'autrice et non un des personnages), il ne manque pas d'empathie.
D'une manière ou d'une autre, elle arrive à nous faire entrer dans la tête des personnages. On voit à travers leurs yeux, on en comprend d'autant mieux ce qui se passe, et d'autant mieux l'horreur vécue par l'enfant... et sa famille. Car les parents (et même la grand-mère maternelle) ne sont pas oubliés. Tous représentés avec leur vécu, leurs failles, forces et faiblesses.

Mention spéciale aux quatre premiers chapitres, décrivant le même évènement : l'enlèvement, de façon différente. Avec brio. Cela surprend, en démarrant le deuxième chapitre. Cela intrigue, au début du troisième. Au quatrième, j'ai compris : tout parent qui voit son enfant enlevé sous ses yeux se repasse la scène en boucle. "qu'est-ce que j'ai fait pour que ça arrive ? Qu'est-ce que je n'ai pas fait pour que ça n'arrive pas ?"
Cette scène sera reprise plus tard dans le livre... du point de vue du ravisseur.
On ne peut rien contre quelqu'un de déterminé, dont on n'avait soupçonné ni la présence ni l'acte à venir et qui met un point d'honneur à être discret et insoupçonnable.

Rien ne manque dans ce roman : la manière dont cela est traité dans les media, dont les parents font face, les regards des autres, plus ou moins empathiques, plus ou moins maladroits, et l'après.

Jusqu'à la fin, troublante. A chacun d'endéduire ce qu'il veut.

Oui, décidément, du très grand, de l'excellent Joyce Carol Oates.
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vendredi 16 septembre 2022

Celui-là est mon frère


4 de couv' :
Un jeune chef d'État reçoit la visite de son frère tant aimé, disparu dix ans plus tôt. La brève joie des retrouvailles cède très vite la place à l'amertume et l'indignation : celui qui est revenu a changé. Il est désormais l'Ennemi. À cause de lui, le pays va s'embourber dans une crise sans précédent.

J'avais adoré "Damalis" de la même autrice et m'étais promis de lire un autre de ses livres.

S'il s'agit ici à nouveau d'entrer dans les arcanes du pouvoir, cette histoire se passe cette fois à notre époque, dans un pays du Moyen-Orient (ou d'Asie?) dont le nom n'apparaît jamais.

Mais là n'est pas le plus important. Tout dans l'histoire est lié à la relation entre les deux frères : la relation entre deux populations d'un même pays, l'Histoire de ce pays dont on découvre quelques bribes au fil du récit, l'emprise que peut avoir une personne sur une autre, la solitude de celui qui est au pouvoir, les bouleversements traversés par ce pays.

Difficile de parler de ce roman car tout est dans la relation entre les personnages principaux. L'écriture, parfaite, nous fait entrer dans la tête de celui qui est au pouvoir et bien que nous n'ayons que son point de vue, l'autrice parvient excellemment à nous faire comprendre celui de son frère.

Les passages sur leur passé commun non seulement éclairent le contexte du présent, mais allègent aussi des passages plus pesants, plus sombres sur le présent.

Décidément, je suis fan de cette autrice.
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mardi 13 septembre 2022

Gaïa


4 de couv' :
Une journaliste scientifique enquête sur une terrible tempête qui a sévi une cinquantaine d'années plus tôt dans le pays. Parmi les ruines d'un petit village autrefois avant-gardiste, elle découvre, le journal et les lettres de deux soeurs. Mel, enceinte, qui s'est réfugiée là avec sa famille juste avant la catastrophe. Et Laura, médecin, qui a fait le choix de rester en ville pour soigner les malades de l'hôpital.
Avec finesse et sensibilité, Valérie Clo raconte comment, face à l'adversité, nos derniers appuis restent la solidarité et l'humanité.
Gaïa dresse le portrait émouvant de deux femmes. Un livre de vie et un véritable voyage au coeur de la folie climatique.


Petit livre (171 pages) dont je n'avais jamais entendu parler  et dont je ne connaissais pas l'autrice, je dois avouer que je ne l'aurais pas trouvé s'il n'avait pas été mis en évidence avec les nouveautés de l'année dans ma bibliothèque de quartier.

Je dois reconnaître aussi que le sujet ne m'emballait guère, tant il est à la mode aujourd'hui et un brin déprimant, mais mon envie de découvrir de nouveaux auteurs et de changer de sujet (et le nombre de pages !) l'ont emporté. 

Et je suis bien contente d'avoir mis de côté mes réticences !

Ce roman épistolaire, malgré un début et un récit tendu, parfois pesant, laisse jaillir, entre autres par la volonté de survie de ses personnages, une lueur d'espoir.

Si l'autrice décrit admirablement ce qui risque de (va) nous arriver à cette période de l'Histoire humaine, qui fait écho à ce que nous vivons depuis quelques étés (et par "nous" je parle de l'humanité, pas seulement de la France), il n'en reste pas moins que l'espoir de s'en sortir, dans le nouveau monde à venir, est bien là.

Est bien là également la volonté de l'autrice, à petites touches, de faire comprendre à tout lecteur que les considérations actuelles de notre monde sont dépassées et qu'il est grand temps d'agir et de les repenser. J'adorerais l'offrir à tous les politiques de cette planète et autres idiots qui veulent aller sur mars ou retourner sur la lune.
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dimanche 11 septembre 2022

La bibliothèque des rêves secrets


4 de couv' :
Femme imposante et énigmatique coincée entre le paravent et le bureau d'angle du coin Conseils d'une petite bibliothèque en plein coeur de Tokyo, Sayuri Komachi attend patiemment ceux qui décident de venir la voir. Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, salariés ou retraités... ils sont au croisement de leur vie. Et à chacun, la mystérieuse bibliothécaire propose un ouvrage totalement inattendu, bien loin de celui qu'ils croyaient être venus chercher. Mais ce choix ne relève pas du hasard, car derrière cette lecture imprévue et surprenante  se dessinent les premiers jalons d'un nouveau départ.
Un roman choral poétique qui célèbre le pouvoir des livres et l'importance qu'une personne attentive et à l'écoute peut avoir sur le destin de chacun d'entre nous.


Je crois bien que c'est la première fois que j'ai envie de relire un livre sitôt refermé.

Ce livre, écrit avec délicatesse et sensibilité, a réussi à trouver un certain écho en moi. Ce dont je ne suis pas surprise d'ailleurs, je m'y attendais. Et en dehors de ceux qui sont à un moment charnière de leur vie, aspirant à en faire ou y découvrir autre chose, ce livre est fait pour tous : s'il s'agit ici de différents personnages qui ne se connaissent pas, avec chacun des aspirations ou interrogations différentes (et son propre chapitre), ils ont en commun cette bibliothèque, point de ralliement du livre et lien social indispensable du quartier.

Et si on peut avoir parfois besoin de changer de métier ou de vie, qu'on le fasse ou non, l'essentiel n'est-il pas avant tout d'être en accord avec soi-même et son entourage ?

Il m'a fait beaucoup de bien ce livre, même si ce n'était pas le but recherché, à part un vrai bon moment de lecture.

A mettre entre toutes les mains !
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samedi 3 septembre 2022

Vérification de la porte opposée


4 de couv' :
Vérification de la porte opposée regroupe deux recueils de nouvelles de Sylvain Tesson parus chez Phébus en 2002 et 2004 sous les titres Nouvelles de l'Est et Les Jardins d'Allah, mais augmenté de façon significative d'un texte inédit.
Dans cette vingtaine de nouvelles, qu'il décrive la Russie postsoviétique ou les ravages du fanatisme islamique, l'auteur nous parle toujours, avec indulgence, mélancolie et humour, de l'incompréhension entre l'Orient et l'Occident, et plus largement, entre les cultures.
La nouvelle inédite, Les Naufragés de l'E19, conte de Noël grinçant, dévoile le cynisme de notre monde. Comme si Sylvain Tesson voulait nous rappeler, sans trop s'en donner l'air, que vivre, où que l'on soit, c'est toujours tomber de haut.

J'ai tout simplement adoré ce (double) recueil de nouvelles. Je savais déjà que Sylvain Tesson avait une très belle plume, ici, en laissant libre cours à son imagination, elle est franchement magnifique !

Ces histoires, aussi prenantes que magnifiques se révèlent tour à tour drôles, émouvantes, mais toujours captivantes. Il y met aussi beaucoup de lui-même, car on y trouve beaucoup des pays qu'il a traversés, tellement évident dans ses descriptions et détails, beaucoup de son expérience des montagnes, et ses propres sentiments et expériences (arachnophobie, panthère des neiges, traversée compliquée de frontières...).

Il n'y a pas une nouvelle que que je n'ai pas aimée.

Je pense que je les relirai souvent. J'ai hâte d'entamer un autre de ses recueils de nouvelles, "S'abandonner à vivre", que je garde pour plus tard, pour mieux les savourer...

S'il pouvait en écrire plus souvent !
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