vendredi 8 février 2019

La petite couturière du Titanic

4 de couv' :
Avril 1912. Tess Collins, jeune anglaise aspirant à percer dans le milieu de la mode, a de la chance. A peine sur le Titanic, elle fait connaissance de Lucy Duff Gordon, célébrité de la haute couture qui va présenter sa nouvelle collection en Amérique.
Sa femme de chambre lui ayant fait faux bon, la créatrice de mode décide de prendre Tess à son service. A bord, la jeune femme fait la rencontre de deux hommes. Mais, tandis qu'un triangle amoureux se forme, le paquebot, sans que ses passagers s'en doutent, fonce vers un iceberg...
A New York, Tess intègre l'atelier de lady Lucy. Les talents de modiste de la jeune femme se révèlent bien vite, ses premiers modèles font sensation. Mais son ascension pourrait connaître un coup d'arrêt. Ne se murmure-t-il pas en effet que lady Lucy aurait eu une conduite répréhensible lors du naufrage ?


Une fois de plus, je vais un peu râler sur le quatrième de couverture, vu que le dernier paragraphe induit en erreur sur le succès rencontré par "les modèles" de Tess : et d'une, elle n'en fait qu'un, de deux, c'est à la toute fin du roman, et de trois, s'il est apprécié, il n'affole pas les foules. Ce n'est donc pas l'ascension fulgurante d'une jeune apprentie couturière qui est ici évoqué.
Qui plus est, si le roman est centré autour du personnage de Tess, elle ne sert que de prétexte à l'auteure pour plus ou moins développer le vrai sujet du roman, à savoir la commission d'enquête mise en place suite au naufrage du Titanic.
Ça, c'est fait.

Pour le reste, c'est à dire le roman : cela pourrait être une charmante lecture d'été allongé(e) sur le sable ou un transat, mais pour ma part je lui ai surtout trouvé des défauts, trop pour réellement apprécier.
Une écriture sans relief pour ne pas dire insipide, trop de dialogues, des maladresses d'écriture qui frisent les fautes de langage, des passages qui auraient mérité d'être mieux développés quand d'autres traînent en longueur, des personnages hauts en couleur pour certains, fadasses pour d'autres, et définitivement pas assez développés pour l'ensemble. Et trop de facilités aussi dans la vie de Tess : dans sa décision de partir, la façon dont elle est embauchée et embarque, la façon dont elle fait ses preuves auprès de sa nouvelle patronne, qui la fait accéder à son monde (on n'y croit pas un seul instant), etc.

De plus, l'auteure est journaliste et ça se voit : elle oscille entre la romance, les atermoiements romantiques et existentiels de ses personnages et ce qui relève plus des faits en rapport avec la commission.
Résultat : aucun de ces deux aspects n'est réellement abouti, est seulement survolé, comme si elle n'avait pas réussi à faire un choix entre les deux et le lecteur reste hélas sur sa faim.

L'idée était pourtant sympathique, il y avait de quoi faire un honnête beau premier roman, flamboyant façon saga, même pour un énième roman sur le Titanic. Aurait pu mieux faire.
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jeudi 7 février 2019

L'axe du loup

4 de couv' :
Pendant huit mois, Sylvain Tesson a refait le long voyage de la Sibérie au golfe du Bengale qu'effectuaient naguère les évadés du goulag. Pour rendre hommage à ceux dont la soif de liberté a triomphé des obstacles les plus grands, seul, il a franchi les taïgas, la steppe mongole, le désert de Gobi, les Hauts Plateaux tibétains, la chaîne himalayenne, la forêt humide jusqu'à la montagne de Darjeeling. A pied, à cheval, à vélo, sur six mille kilomètres, il a connu ce qu'il a cherché de plein gré : le froid, la faim, la solitude extrême. La splendeur de la haute Asie l'a récompensé, comme les mots d'une très ancienne déportée heureuse de se confier à lui : "On a le droit de se souvenir".



C'est avec un réel plaisir que j'ai retrouvé Sylvain Tesson dans ce récit qui mêle une fois de plus humour, pédagogie et une certaine poésie dans les magnifiques descriptions des paysages traversés.

Prenant prétexte de retracer la route suivie et évoquée par Slavomir Rawicz dans A marche forcée pour effectuer ce périple qui va quand même durer huit mois, Sylvain Tesson n'est cependant pas dénué d'objectivité aussi bien envers le récit de Rawicz (controversé suite à sa parution étant donné un certain nombre d'inexactitudes) que sur son propre parcours, facilité par une bonne préparation dont ne pouvaient évidemment bénéficier les évadés du goulag, et les moyens matériels et financiers dont il disposait.
Sans compter que lui n'avait personne aux trousses, à part potentiellement quelques ours ou administratifs tatillons, les tracasseries de ces derniers évacuées par une bonne pugnacité.

Comme toujours, Sylvain Tesson est ici un agréable compagnon de voyage qui, s'il s'amuse des petits travers de certains, n'est pas dénué d'auto-dérision, sait accompagner ses lecteurs en étant pédagogue sans être rasoir, le tout agrémenté de cartes, de photos (oui, même en version poche) et d'une belle qualité d'écriture.
Donc une fois de plus, merci Monsieur Tesson.

Et pour avoir un aperçu de ce parcours, je vous conseille d'aller par ici.

Et enfin, quelques citations :

" Il n'y a que le loup, créature en marge du monde, pour ne pas marcher dans la direction ordinaire. Les évadés, qui sont un genre de bête traquée, ont eux aussi emprunté cet axe conduisant du septentrion de l'Eurasie jusqu'aux versants de l'Himalaya, "l'axe du loup"..."

"Une doctoresse de Krasnoïarsk qui sent le caoutchouc neuf me fait une piqûre dans le dos. Elle m'annonce ensuite que c'est un vaccin nouveau qu'elle n'a encore jamais administré, dont elle ne connaît pas les contre-indications, et dont elle n'est pas certaine qu'il soit compatible avec les  injections que j'ai déjà reçues à Paris."

"Je découvre un nouveau sens à ma vie : marcher tout le jour durant, boire l'eau du lac, suivre la course des hérons au ras de sa surface, pêcher un poisson et passer de longues minutes à le préparer puis chercher un endroit où jeter mon bivouac. Et le sens de la nuit c'est de se reposer de cette belle vie-là."

"S'évader ne se réduit pas à quitter l'enfer : encore faut-il regagner le paradis..."
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