Charaf ("honneur" en arabe), un jeune égyptien d'une vingtaine d'années, traîne son désoeuvrement dans une rue commerçante du centre-ville du Caire, haut lieu d'une société de consommation à laquelle il n'a pas accès. Devant une salle de cinéma, un étranger lui offre une place et l'invite, après le film, à poursuivre la soirée chez lui. Charaf accepte mais, quand son hôte lui fait des avances, il le frappe d'une bouteille de whisky et le tue accidentellement. Condamné à une lourde peine de prison, Charaf a pour voisin de cellule le Dr Ramzi, pharmacien copte qui, après une tentative en politique, fit carrière dans une multinationale pharmaceutique avant d'être victime, en raison de sa probité et de son patriotisme, d'une machination l'impliquant dans une affaire de corruption.
Avec le style incisif qu'on lui connaît, où le document s'insère comme une pièce à conviction dans la trame du récit, Sonallah Ibrahim dresse le terrifiant tableau d'une Egypte livrée corps et âme au capitalisme sauvage. Aucun de ses personnages ne peut contrôler sa destinée, nu Ramzi, l'ancien militant nassérien, ni Charaf, le pur produit du sadatisme. Si l'un est réduit à hurler de vaines proclamations depuis sa cellule disciplinaire, l'autre n'a de chance de s'en sortir qu'en perdant "l'honneur" qui lui a valu de se retrouver en prison.
J'ai découvert cet auteur l'année dernière avec "Warda", qui m'avait donné envie de lire ses autres romans et j'en avais acheté deux, dont celui-ci.
J'aime beaucoup l'écriture de cet auteur qui m'a fait immédiatement plonger dans l'histoire de ce Candide qui découvre la vie, la prison, la vie en prison.
Le propos de ce livre n'est pas spécialement ou pour mieux dire pas seulement, la vie en prison. Mais à travers le parcours de chaque détenu, c'est tout une peinture de l'Egypte qui est décrite ici. Un humour subtil et grinçant, où personne ne sort indemne, que ce soit la population et la société égyptienne, leur gouvernants et... les pays occidentaux et surtout les multinationales, qui semblent aux manettes du monde.
A ce sujet, se rappeler deux choses : l'auteur est communiste donc de parti pris mais il faut bien dire qu'il n'a pas tort sur la partie politique et économique du texte (partie deux, qui sont les écrits du Dr Ramzi) et surtout que ce livre est paru en 1997 (1999 pour l'édition française). Et bien qu'il ait déjà presque trente ans, ce texte est désespérément d'actualité...
Si la partie deux m'a un peu agacée, non par son contenu car j'y retrouve pas mal de mes opinions (quoique l'auteur aille bien plus loin dans son analyse et ses critiques, orientation politique et origines obligent), mais plutôt parce qu'elle m'a donnée l'impression sur le moment que le roman était un prétexte pour l'auteur d'y livrer son plaidoyer sur un sujet qui lui tenait à coeur.
J'ai probablement tort, mais j'ai ressenti un décalage par rapport au reste du texte qui m'a un peu dérangée. Certes, il s'agit du texte d'un personnage dans celui du roman donc il est normal qu'il y ait décalage, mais même si maintenant que je l'ai fini, je le trouve logique, sur le moment cela m'a moins plu.
Globalement, j'ai bien aimé cette lecture qui m'a donné d'en apprendre plus sur cette partie du monde.
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