Au Japon, sur la ligne Hankyu Imazu, reliant Takarazuka à Nishinomiya, au gré des huit gares desservies, des femmes et des hommes montent et descendent, chacun avec son histoire, chacun perdu dans ses pensées et dans les noeuds de son existence.
Dans ce décor invariable et pourtant mouvant, des vies vont ainsi s'entrechoquer et être profondément changées. A chaque arrêt, de nouveaux passagers s'installent, se parlent, se lient. Et, d'un trajet à l'autre comme d'une saison à l'autre, le lecteur se fait l'observateur des paysages nouveaux et des multiples trajectoires qu'auront pris ces destins croisés.
Plus qu'une ode au voyage, ce roman choral de Hiro Arikawa est une invitation à l'arrêt sur soi-même, en même temps qu'un éloge de l'imprévisible. Et de ces rencontres qui, si l'on ne s'en défend pas, font que des êtres de passage peuvent bouleverser le cours de nos vies.
Ecrit par l'autrice de "Les Mémoires d'un chat" qui m'avait émue aux larmes (et dont est issu un autre livre basé sur deux des personnages, j'ai hâte de voir - lire - ça), ce charmant petit livre est plein de poésie, de douceur... et d'art de vivre.
Je l'ai commencé dans le bus en allant au travail, lieu on ne peut plus approprié vu le sujet.
Je me suis parfaitement retrouvée dans ces histoires de rencontres de passage. Quiconque prend régulièrement les transports en commun comprendra cette impression.
Chaque chapitre concerne un passager en particulier, tout en restant en lien avec les autres, de près ou de loin.
Le tout forme un ensemble cohérent, et on se surprend à regretter de ne pas poursuivre plus longtemps de nouveaux trajets avec eux. Cerise sur le gâteau, le format des chapitres, ni trop long, ni trop court, se prête parfaitement à mes trajets de 10 minutes !
On retrouve dans ce petit livre à peu près tous les cas de figure possibles dans un transport en commun : les habitués, les groupes bruyants (jeunes ou moins jeunes), les grands-parents et leurs petit-enfants, les animaux, les amitiés qui se créent, les dragouilles entre copains plus ou moins bien amorcées (à propos, les mecs, vous êtes obligés de broder sur des sujets que vous maîtrisez à peine ? Et vous les filles, de glousser autant à la moindre pitoyables tentative d'humour - ou pas - de ces messieurs ? En même temps, c'est mignon, j'aime bien voir les choses évoluer au fil des jours), etc.
Ce me fut donc très agréable de suivre les personnages dans leurs déambulations... et leurs petites vies.
Car qui n'a jamais imaginé la vie des autres passagers ?
Car qui n'a jamais imaginé la vie des autres passagers et la suite de leur journée ?
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Et moi ? Le matin, je retrouve à mon arrêt presque toujours les mêmes personnes : un monsieur de mon âge environ, toujours souriant. Le bus dans lequel nous montons est le premier qu'il prend. Suivant les jours, soit il descend place de la Liberté prendre un autre, soit il descend à l'arrêt suivant pour prendre le 1. Il doit sûrement être investi dans une association, car j'ai l'impression qu'il connaît tout le monde. En même temps, il aborde les facilement les gens pour bavarder avec eux, donc à force, oui, il connaît à peu près tout le quartier !
Il vient me saluer avant de descendre à l'arrêt suivant, après avoir discuté avec une mère de famille qui comme lui monte dans le bus quelques arrêts avant le mien. Elle, ça fait des années que je la voit monter dans ce bus avec ses enfants.Je l'ai vue avec ses aînés, à l'époque la plus grande devait avoir 3 ans, le petit frère était bébé. Je les ai vu grandir tous les deux, elle est maintenant au collège et fait le trajet toute seule. La maman, je l'ai vue enceinte de la dernière qui a maintenant 3 ou 4 ans... C'est marrant comme des gens que vous ne connaissez pas peuvent faire partir de votre vie...
En même temps que moi, monte une mère de famille et ses trois enfants dont un bébé. Elle habite l'immeuble en face de l'arrêt, parfois elle prend la voiture. Elle semble copine de la première et la rejoint pour papoter. Elles descendent avec leurs enfants au même arrêt. "Ma joyeuse troupe !", je les appelle.
A cet arrêt monte un monsieur de 55-60 ans. Il ne se lie ni ne semble connaître personne, il a plutôt un visage fermé sans être hostile ni désagréable. Je ne crois pas l'avoir vu sourire. Je me dis qu'il a ses propres soucis ou qu'il se concentre pour sa journée de travail, toute simplement. J'avoue que je me fais un peu de soucis pour lui alors que si ça se trouve, tous ceux qui le connaissent le considèrent comme quelqu'un de très ouvert, agréable et drôle !
A l'arrêt suivant montent deux mamans avec leurs filles qui sont du même âge. Je ne les vois pas régulièrement, parfois c'est seulement une des deux avec sa fille, ou l'autre avec ses deux filles (l'une est plus jeune et toujours en poussette), ou sa fille aînée avec un garçon plus âgé qu'elle.Je pense qu'ils habitent tous l'immeuble en face de cet arrêt.J'ai parfois l'impression - peut-être à tort - que la vie n'est pas facile pour ces deux mamans.
Dans ce trajet de bus se trouve aussi une autre maman (qui connaît les deux autres dont je parlais plus haut) avec sa fille et parfois son fils. Comme il est au collège, il ne fait pas forcément le trajet avec elles. Elle et sa fille sont très complices, c'est un bonheur de les voir faire le trajet ensemble. La petite est encore à un âge où on confie tout à sa maman, elles sont visiblement heureuses de faire ce trajet ensemble, dans cette bulle de grande complicité. Sa fille est lumineuse quand elles sont ensemble. Mais éteinte quand c'est son père (beau-père ?) qui l'emmène à l'école. Il a le visage très fermé, on n'a pas envie de le déranger (encore une fois, ce sont des apparences, si ça se trouve, c'est un mec génial). Pas de discussion, ou très peu. Encore que l'autre semaine, c'est lui qui a fait le trajet avec elle et sur le dernier jour où j'étais avec eux, ils avaient l'air de discuter un peu plus, en douceur. Souvent sur son initiative à elle. Il ne doit pas être du matin ! Ou il travaille de nuit...
Et je pourrais vous parler aussi de toutes ces dames avec qui je faisais le trajet et qui sont maintenant en retraite, que je revois parfois, certaines sont un groupe de quatre copines que je retrouve si je sors le vendredi après-midi et que mes horaires correspondent à ceux de leur promenade. Elles sont rigolotes et n'ont pas leur langue dans leur poche, "Le quatuor de choc !", je les appelle. Il y en a une autre avec qui j'ai souvent fait le trajet dans le bus et qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui me raconte un peu sa vie. Un sacré caractère ! Elle habite un immeuble près du mien, mais ça fait bien longtemps que je ne l'ai pas vue... Pas étonnant que j'aime autant la série de BD "Les Mémés", je les retrouve toutes un peu la-dedans (oui, les miennes sont moins "trash", je vous rassure).
Il y a aussi Marie qui a dû quitter son travail en raison de problèmes de santé, je crois qu'elle n'est pas loin de la retraite, ou y est déjà, je ne sais plus. Elle aussi elle est assez connue dans le quartier. Toujours souriante, agréable avec un mot pour chacun. Je la vois moins depuis son licenciement pour inaptitude, mais on arrive à se croiser. Nos cheveux ont blanchi de concert, me suis-je dit la dernière fois qu'on s'est parlé.
Il y avait aussi Pascale, mon ancienne voisine du rez-de-chaussée, qui avait sympathisé avec moi car grande lectrice elle aussi, me voyant un bouquin à la main chaque matin à l'arrêt, m'avait abordée sur ce sujet. En a découlé une amitié et des soirées avec nos hommes. Le sien est chauffeur de bus (la boucle est bouclée), le mien a été prof d'Histoire de leur fille. Ils ont depuis déménagé à Bodilis, mais on se voir toujours. Des fois je mange le midi avec elle puisqu'on travaille toutes les deux en centre ville, parfois je monte dans son bus à lui.
Voilà un peu mes copains et copines de bus.
Je me demande ce que les autres passagers de bus ou tram pensent de moi... Ai-je vraiment besoin de le savoir (vive le mystère) ?
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