vendredi 25 février 2022

La maison allemande


4 de couv' :
Eva, fille des propriétaires d'un modeste restaurant de Francfort-sur-le-Main, s'apprête à se fiancer avec un jeune héritier de la ville quand débute en 1963 le "second procès d'Auschwitz", où doivent être jugés les crimes des dignitaires nazis. Ayant suivi des études d'interprète, elle est contactée par le tribunal pour assurer la traduction simultanée des dépositions faites par les survivants du camp.
Ignorant tout de ce passé, bravant les vives réticences de ses proches, Eva décide pourtant d'accepter. S'ouvre alors devant elle le long chemin d'une prise de conscience qui engage sa famille, mais aussi oute la société de son temps.
Mené tambour battant, ce roman captive par sa justesse, son efficacité, son empathie avec une jeune femme en pleine construction personnelle, et nous fait éprouver le traumatisme et la révolte d'une génération qui a eu vingt ans dans les années 1960 et s'est trouvée confrontée au refus de mémoire dans l'Allemagne de l'après-guerre.


Je suis un peu partagée sur ce roman. Autant l'histoire et son approche de cette partie de l'Histoire allemande sont particulièrement intéressantes, ainsi que l'ensemble des personnages (encore que j'aurais préféré que celui du canadien soit plus étoffé), autant l'écriture m'a réellement posé problème pendant une bonne partie de la lecture.

Je l'ai trouvé inégale. Elle est franchement plate pendant un gros premier tiers du roman, les phrases se succèdent la plupart du temps les unes aux autres sans tournure littéraire ou ponctuation particulière pour leur donner un rythme, une petite étincelle. J'en était presque à lire une liste de courses, ce qui m'était très désagréable. Sans compter certaines tournures de phrases maladroites, qui ne font pas très français si je puis dire cela ainsi.
Cela s'améliore par la suite, mais je dois reconnaître que le début a bien plombé ma lecture de l'ensemble du livre.

Qui plus est, à plusieurs reprises, on se prend d'intérêt pour certains passages du livre... Pour se retrouver brutalement dans une autre séquence.
Pour résumer, quand un personnage est en train de faire quelque chose dont on attend sinon le dénouement, au moins une certaine continuité, on le retrouve page suivante (même chapitre) à un autre moment de la journée, voire le lendemain ou quelque jours après. Et la suite de la séquence précédente est bazardée en quelques mots.
Un exemple : Eva se rend au tribunal (et sur ce passage du livre on se dit "que va-t-elle faire ?") et séquence suivante, elle est en train de dîner avec ses parents.
En temps normal, j'aurais trouvé cela agréable, original, voire rythmé, mais là ça n'a pas pris avec moi, je ne sais pas.

J'en suis arrivée, en arrivant à la fin du livre, à faire une recherche Internet sur l'autrice et la traductrice. La première est scénariste, ce qui explique et la façon d'écrire, et le découpage des scènes tel que je l'ai évoqué ci-dessus. Et sur l'exemple que je viens de donner, ça marche très bien à l'image car le suspens est forcément bien rendu ainsi, la transition l'accentue, et l'image va très bien traduire la tension du repas. Mais à l'écrit du moins dans ce roman, cela n'est pas bien rendu.
Donc romancière et scénariste sont deux métiers très différents, on ne s'adresse pas aux lecteurs comme à des (télé)spectateurs ces deux catégories attendant des façons différentes de présenter une histoire.
Et a posteriori, je me dis que finalement, elle ne s'en est pas si mal sortie pour un premier roman, et qu'elle a bon potentiel en retravaillant davantage ses phrases et en oubliant ses automatismes professionnels quand elle troque sa casquette de scénariste contre celle d'écrivaine.

Pour la traductrice, et si mes recherches sont bonnes, elle habite Berlin. Elle est donc plus immergée dans sa langue d'accueil que dans sa langue maternelle, ce qui explique certaines maladresses.
Par contre, elle ne fait pas exception à la tendance actuelle des traducteurs et/ou maisons d'éditions qui est de garder certains éléments dans leur langue d'origine sans note de bas de page ou en fin de roman pour les traduite ou expliquer. Alors certes, j'ai fait de l'allemand à une certaine partie de ma vie, mais je suis un peu rouillée dans cette langue, et que dire de ceux qui ne la parlent pas du tout. Un exemple : les noms de journaux : si je me rappelle bien que ça se dit "zeitung", je n'arrivais pas à traduire le reste. S'ils ont existé, une note avec leur traduction, leur histoire et leur éventuelle orientation politique n'aurait pas été de trop. Et là, rien. Oubli ou négligence ?

A part donc ce problème d'écriture dont je semble d'ailleurs être la seule à me plaindre (j'ai lu les commentaires d'autres lecteurs qui eux l'ont aimé), l'histoire est on ne peut plus intéressante.

C'est à travers les personnages que l'autrice retrace toute la société allemande, sa complexité et ses bouleversements d'après-guerre, avec cette nouvelle génération qui doit construire son avenir en portant le poids du passé de leur parents, qu'ils viennent de découvrir. Et ça c'est franchement une réussite !
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