lundi 29 mai 2017

Vie de ma voisine

4 de couv' :
Ça commence comme une nouvelle d'Alice Munro : lors de son déménagement, une romancière est abordée par sa voisine qui l'a reconnue, et l'invite chez elle pour parler de Charlotte Delbo.
Ça continue comme un récit d'Isaac Babel. Car les parents de Jenny, la voisine née en 1925, étaient des juifs polonais, immigrés en France un an avant sa naissance.
Mais c'est un livre de Geneviève Brisac, un "roman vrai" en forme de traversé du siècle : la vie à Paris dans les années 1930, la Révolution trahie à Moscou, l'Occupation - Jenny et son frère livrés à eux-mêmes après la rafle du Vel' d'hiv la déportation des parents, la peur, la faim, les humiliations, et une merveilleuse amitié. Le roman d'apprentissage d'une jeune institutrice douée d'une vitalité que ni les deuils ni les tragédies ne parviendront à affaiblir.
Ça se termine à Moscou en 1992, dans le tribunal où Staline fit condamner à mort les chefs de la révolution d'Octobre, par la rencontre entre des "leks" rescapés du Goulag et des survivants des camps nazis.
À l'écoute de Jenny, Geneviève Brisac rend justice aux héros de notre temps, qui, dans l'ombre, ont su garder vivant le goût de la fraternité et de l'utopie.


Je n'avais pas entendu parler de ce roman avant de regarder La Grande Librairie (très bonne émission que je recommande, bien que la dernière de la saison était vendredi dernier, rendez-vous au 7 septembre) où l'auteure était invitée.

Ce pourrait être un roman de plus sur la déportation ou ceux qui ont pu y échapper et leur existence suite à ce drame, à ceci près que la narration de l'auteure se mélange petit à petit, subtilement, lentement mais sûrement, à celle de sa voisine. Tour de force remarquable car si on ne s'en rend pas immédiatement compte, cela nous amène à faire nôtre l'histoire de la voisine, et en ces temps où le FN est encore passé au second tour des élections présidentielles, un peu d'empathie et d'intelligence avec "l'autre" ne peut faire que du bien.
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire