samedi 18 janvier 2020

Civilizations

4 de couv' :
Vers l'an mille : la fille d'Erik le Rouge met cap au sud.
1492 : Christophe Colomb ne découvre pas l'Amérique.
1531 : les Incas envahissent l'Europe.
À quelles conditions ce qui a été aurait-il pu ne pas être ?
Il a manqué trois choses aux Indiens pour résister aux conquistadors. Donnez-leur le cheval, le fer, les anticorps, et toute l'histoire du monde est à refaire.
Civilizations est le roman de cette hypothèse : Atahualpa débarque dans l'Europe de Charles Quint. Pour y trouver quoi ?
L'inquisition espagnole, la Réforme de Luther, le capitalisme naissant. Le prodige de l'imprimerie, et ses feuilles qui parlent. Des monarchies exténuées par leurs guerres sans fin, sous la menace constante des Turcs. Une mer infestées de pirates. Un continent déchiré par les querelles religieuses et dynastiques.
Mais surtout, des populations brimées, affamées, au bord du soulèvement, juifs de Tolède, maures de Grenade, paysans allemands : des alliés.
De Cuzco à Aix-la-Chapelle, et jusqu'à la bataille de Lépante, voici le récit de la mondialisation renversée, telle qu'au fond, il s'en fallut d'un rien pour qu'elle l'emporte, et devienne réalité.


Si l'idée de départ est plutôt intéressante, ce roman ne tient pas toutes ses promesses.

J'ai apprécié l'écriture, l'imagination de l'auteur, mais les situations, si on se met dans le contexte et donc les mentalités de l'époque, restent improbables voire franchement invraisemblables. Admettons qu'Atahualpa ait affrété quelques navires pour voguer vers l'Europe : son ascension est un peu trop fulgurante et "facile" par rapport à ce qui aurait été le cas en réalité.

Si on passe au-dessus de cela, il faut reconnaître de nombreuses qualités à ce roman : l'imagination de l'auteur, comme je le disais précédemment, l'écriture, les connaissances de l'auteur sur cette époque (et il faut en avoir de solides et donc faire de solides recherches pour faire une dystopie), l'humour surtout car au final si l'auteur pose un postulat très sérieux, il  ne se prend pas au sérieux.

Il s'agit ici, pour la plus grande partie, consacrée à Atahualpa, d'une épopée à la Don Quichotte et c'est très bien ainsi. Cette partie est contée par un chroniqueur de l'histoire, entrecoupée de correspondances imaginées entre des personnages illustres de l'époque, et entre Atahualpa et son entourage. Elle est contée aussi selon le point de vue de la civilisation Inca et certains des termes sont empruntés à cette civilisation, avec le petit plus que le chroniqueur se fait un devoir d'expliquer au lecteur que tel terme européen correspond à tel terme ou concept inca. Il va même jusqu'à nous expliquer, par exemple, ce qu'est la bière.
Il malmène l'Histoire en jouant avec elle et emporte avec lui le lecteur dans son "délire".

J'ai aussi beaucoup apprécié que chaque partie aie sa propre narration : la première, consacrée aux vickings, est écrite façon épopée, digne des plus belles légendes de l'époque et de cette civilisation. La seconde, consacrée à Christophe Colomb, est sous forme de journal tenu par le célèbre navigateur. La troisième, la plus longue donc, est supposément écrite par un chroniqueur, j'aurais dit historien mais ce terme est impropre pour un contemporain ou quasi-contemporain de ces évènements. La quatrième, assez courte en comparaison, est consacrée à Cervantes et son seul intérêt est de voir l'héritage laissé par Atahualpa quelques années après sa mort.

Et c'est là où j'ai été déçue : j'espérais voir les conséquences de l'invasion de la civilisation Inca jusqu'à nos jours ou presque. Dans cette histoire, l'Afrique est quasi-oubliée: n'est évoqué (rapidement) que le Maghreb, mais pas le reste de l'Afrique, pas du tout l'Asie et quasiment rien sur le Moyen-Orient.
Je pense que l'auteur a surtout voulu se consacrer à l'Europe, mais vu que dans notre réalité, la conquête des Amériques a mené à l'esclavage, j'aurais vraiment aimé voir l'évolution de ce continent dans ce roman.

En résumé, lecture agréable et sujet original, mais j'en attendais plus.
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire