Jane ne recevait jamais de paquet chez elle. Elle le ramassa. Solide, rectangulaire et plutôt lourd : sans doute un livre. L'écriture sur le paquet lui plut : rapide et vive, dansante et équilibrée. Elle se battit contre l'enveloppe rembourrée, agrafée et collée. Elle en sortit une chemise en carton jaune. Une disquette tomba sur le sol carrelé avec un bruit sec. La chemise contenait un manuscrit en feuilles détachées. Sur la première page, elle lut :
LE PROBLÈME AVEC JANE
ROMAN
Pas de nom d'auteur. D'après le timbre, le paquet avait été posté à New York cinq jours plus tôt. Elle parcourut rapidement les premières pages. Il s'agissait d'elle. Quelqu'un de bien informé Le manuscrit comptait trois cent soixante pages et s'achevait sur cette phrase : "En bas elle trouva le paquet avec le manuscrit". Jane tressaillit et leva les yeux. On ne voyait rien derrière le carreau sauf la pluie et les fleurs du magnolia dégoulinantes d'eau".Nous lisons en même temps que Jane le récit qui dévoile sa propre vie dans ses aspects les plus intimes, et nous participons à ses tentatives pour découvrir l'auteur du manuscrit anonyme. A travers ce thrilller psychologique, dans un style simple et tendu, c'est une radiographie des rapports amoureux et sociaux dans l'Amérique contemporaine que nous propose Catherine Cusset.
Pendant la lecture de ce roman, je ne voyais pas du tout le côté thriller. Je ne l'ai franchement bien compris que dans les derniers chapitres du roman, et en particulier sur le dénouement, en apprenant enfin qui est l'auteur du manuscrit.
Effectivement, on se demande avec Jane qui a pu lui envoyer ce manuscrit et dans quel but, on comprend sa tension et son agacement de recevoir un manuscrit qui, de plus, retrace toute sa vie d'adulte et dans de tels détails que seule une personne proche peut connaître. Donc à nouveau : qui et pourquoi ?
D'autant que le début du manuscrit décrit très bien la façon dont elle le reçoit et sa réaction à le découvrir. Et plus on avance dans ce roman, mieux on comprend son interrogation et son inquiétude. Et comme elle, on n'arrive pas à décrocher de la lecture. Un peu par voyeurisme il faut bien dire : comment ne pas résister à lire ce qui est presque comme un journal intime (dates mises à part) mais écrit par quelqu'un d'autre que la personne concernée ? Ce qui en relève le côté malsain du principe de base : un inconnu vous envoie le roman de votre vie, sous son propre angle de vue avec tous les détails dont seuls des proches, individuellement, n'en connaissent qu'une partie... Une biographie intime et non autorisée, en somme...
J'ai par ailleurs trouvé que ce roman était typique des romans des années 90. Il m'a fait penser à ceux de Mary Higgins Clark pour le côté "wonder woman" du personnage décrit dans Jane (brillante carrière, appréciée de ses élèves et collègues, un superbe mari, etc.).
On y retrouve donc une certaine façon de vivre dans l'Amérique des années 80-90 et le monde universitaire américain, côté enseignant, ce qui m'a bien intéressée car je ne connaissais pas. D'autant que Jane est prof de littérature française, même si elle est passionnée de "La Princesse de Clèves", que je n'ai jamais réussi à finir, et de Flaubert (jamais réussi à finir "Madame Bovary" non plus).
Et on voit assez bien aussi un certain état d'esprit de cette époque (et traitez-moi de vieille peau si vous voulez, mais elle serait pas un peu chaudasse, la Jane ?).
Quand Jane comprend qui est l'auteur de ce manuscrit, on prend conscience à quel point il est d'une rare perversité. Ce serait d'ailleurs intéressant de développer dessus, mais ce serait vous dévoiler le dénouement et vous gâcher la lecture du roman. Et qu'en résulte-t'il ? Même réponse, lisez-le !
Je peux en tout cas vous dire ceci, puisque cela est évident tout le long du roman : ou comment quand une personne veut tout savoir de vous et s'en servir pour vous nuire, contrairement à ce qu'on nous ressasse, point besoin est d'utiliser Internet exclusivement puisque la "bulle Internet" n'avait pas encore vraiment explosé au moment de la rédaction du roman.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire