Dès l'enfance, Asher Lev dessine comme il respire. Malgré la désapprobation sans appel de son père, le grand Rèbbe de la communauté juive hassidique de Brooklyn encourage sa vocation. Aux portes du monde prodigieux de l'art, Asher Lev devra choisir : obéir aux exigences des siens et à son éducation religieuse, ou s'abandonner à un destin exceptionnel...
Un roman magistral sur les affres du génie artistique, bien souvent synonyme de déchirements culturels, spirituels et intimes.
Après avoir lu "
Celui qui va vers elle ne revient pas", j'avais entendu parler de ce livre-ci et était assez tentée de le lire. J'ai attendu un peu de temps de me "désimprégner" du premier, afin d'être moins influencée par sa lecture et de commencer celle-ci "à neuf" en quelque sorte.
Bien m'en a pris car si le premier livre était un témoignage écrit et se passant à notre époque, ce livre-ci est un roman (encore que je me suis demandée quelle part de lui-même l'auteur y a mis, et s'il l'a d'ailleurs fait) commençant dans les années quarante-cinquante. La première parution du livre date de 1972.
Il ne s'agit d'ailleurs pas, apparemment, de la même communauté hassidique : celle décrite dans "Celui qui va vers elle ne revient pas" étant beaucoup plus stricte et rigide dans son fonctionnement, et ne fait guère de place à l'individualité, tandis que celle décrite dans ce roman, si son fonctionnement et la vie de chaque individu est régie par la religion, semble plus souple et bienveillante. Principalement en raison de la personnalité du Rèbbe, figure religieuse et autoritaire respectée, bienveillante et attentive de la communauté.
Ce sont donc deux visions de la ou des communautés hassidiques très différentes qui s'offrent à nous.
Le fait que l'histoire se passe dans cette communauté est finalement assez accessoire.
Tout tourne finalement autour de la personnalité individuelle et comment se développer dans une communauté, ville, famille qui n'est ni prête ni habituée à accueillir en son sein un de ses membres qui sort des clous, et qui en plus développe un don (ou malédiction ? C'est la question que se pose le narrateur et son entourage tout au long du livre) qui n'est que peu approuvé et dans sa communauté, et dans sa religion.
Les interrogations, doutes, douleurs morales (qui vont jusqu'à le rendre malade), et autres déchirements s'appliqueraient à tout roman ou récit sur ceux qui cherchent leur place en dehors de leur milieu habituel et ce qu'il tolère : femme souhaitant s'émanciper, personne voulant vivre en dehors du destin tout tracé traditionnellement par sa famille, conversion religieuse, etc.
Il y a un peu de réflexion philosophique sur l'identité personnelle et par rapport au milieu où on a grandit, et en dehors.
Si j'ai parfois trouvé quelques longueurs à ce roman, il n'en reste pas moins que l'auteur décrit parfaitement bien les tourments de chaque personnage, et a un regard objectif et bienveillant sur tous, quelques soient leurs erreurs et faux pas éventuels.
Le roman commence dès la petite enfance d'Asher Lev et comme il en est le narrateur, le lecteur a sa vision des choses à lui à chaque âge de la vie. Ce qu'il comprend, ce qu'il ne comprend pas, et notre propre vision d'adulte qui éclaire certains points.
C'est ma vision d'adulte qui me permet aussi de me dire qu'il est parfois ingrat car tourmenté par son feu intérieur qui lui cause tant de problèmes, aussi bien intimement que dans ses relations avec son entourage, il ne voit pas toutes les possibilités qu'on lui offre, et (presque caricature de l'image qu'on se fait d'un artiste) ne vit que pour son art et le reste devient parfois secondaire.
C'est un bel équilibre de tout cela que propose l'auteur, et un beau portrait de cette communauté.
Il existe une suite à ce roman, j'adorerais la trouver elle aussi à la bibliothèque.
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